À prendre ou à lécher by Dard Frédéric

À prendre ou à lécher by Dard Frédéric

Auteur:Dard, Frédéric [Dard, Frédéric]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Policier
ISBN: 9782265091740
Éditeur: Fleuve Noir
Publié: 1979-12-31T23:00:00+00:00


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Ce n’est qu’à sept heures que la porte se poussa et qu’on entra.

Ils étaient deux. Deux jaunes. Deux jeunes. Deux citrons.

L’un a sur l’épaule la bretelle d’un gros pistolet-mitrailleur. Il bloque l’arme contre son flanc, canon pointé, prêt à défourailler. L’autre tient un fouet de ses deux mains. Dans la droite il a le manche, dans la gauche, la lanière enroulée.

— Stand-up ! hurle-t-il.

Et il lâche la lanière, laquelle se dévide au sol tel un reptile de cuir (bravo, ça c’est de la comparaison !). En vrai petit dompteur, il fait claquer le fouet. Obéissant comme des lions dressés, nous adoptons la position verticale et nous préparons à passer au travers d’un cerceau.

Alors le gars accomplit un léger mouvement semi-circulaire, à cafouillage prolactique, et actionne son fouet dans ma direction. La lanière s’enroule à mon cou avant que j’aie eu le temps de comprendre.

Charmant. J’ai du mal à déglutir. Néanmoins, le cuir n’est pas serré au point de stopper ma respiration.

Ayant réussi cet exploit, le frivole se met à m’haler comme un gant (ou plutôt comme un veau qu’on traîne à la foire). Je porte la main à la lanière, pour m’en débarrasser, mais ce vaurien tire un bon coup (tirons un coup, tirons-en deux, à la santé des amoureux) et pour… le coup je suis à demi étranglé.

Nous sortons dans un couloir. Le gus armé a reverrouillé la porte. D’autres lourdes donnent sur le couloir en question : toutes sont munies d’imposants verrous (deux par porte). L’endroit ressemble à une prison, et je vais te dire mieux : toutes les conditions me semblent réunies pour que ça en soit une.

A l’extrémité du couloir que je te cause, est un homme assis, comme on dit dans les mauvaises traductions. Assis sur une escabelle de bambou, et qui tient une mitraillette sur ses genoux. Il a une sale gueule et mâche je ne sais quoi, peut-être du chewing-gum après tout : la civilisation ayant pénétré les contrées les plus reculées.

Inendiguable, elle est, la civilisation. T’as vu la manière brillante qu’elle a franchi les étapes ? Nous faisant passer de la capote anglaise au chewing-gum, puis à la pilule ? Les pires coins du monde, là que les Pététés ne font pas deux distributions par jour. Pilule, pénicilline, stérilet, tartines d’hormones, tout le branle.

Le garde à la mitraillette nous regarde passer avec indifférence. Les Jaunes, c’est impressionnant pire que les Anglais. Ça vient de leurs yeux. Ils paraissent n’en pas avoir, tu saisis ? Les Anglais, eux, ils ont des yeux. Ils ne s’en servent que pour ne pas verser leur thé à côté de leur tasse, mais ils en ont. Tu peux rien lire dedans, mais leurs carreaux sont en place. Ça leur confère (Jacques, frère Jacques) un regard de mannequin aveugle, mais c’est mieux que pas d’yeux du tout. Note qu’il faut bien peser le pour et le contre, hein ? Qu’est-ce qui est préférable : avoir des yeux et qu’ils soient vides, ou ne pas en avoir et qu’ils soient pleins ? Les Jaunes n’ont pas d’yeux, mais au moins leurs yeux sont pleins-bourrés.



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