Zola journaliste by Emile Zola

Zola journaliste by Emile Zola

Auteur:Emile Zola
La langue: eng
Format: epub
Tags: General Fiction
Éditeur: Editions Flammarion
Publié: 2011-03-13T16:00:00+00:00


Je pourrais, certes, vous dire que Paris est paisible, que le gouverneur et le préfet de police ont adressé à M. Thiers des rapports excellents, dans lesquels ils affirment que la ville s'est remise au travail avec une sagesse d'enfant. Mais je vous connais ; vous êtes des héros, vous aimez les dangers, vous souhaitez des émeutes pour les dompter, et vous seriez bien capables de ne plus vouloir venir à Paris puisqu'il est si tranquille que cela.

Je pourrais encore vous parler des fêtes de l'Élysée, vous dire avec quelle sympathie la population a accueilli M. Thiers. Vous manquiez au triomphe, messieurs, et je comprends vos jalousies. Non seulement le monstre n'a pas dévoré le gouvernement, mais il l'a embrassé. Il serait facile, pour ménager vos susceptibilités, de vous ménager une ovation pareille. Vous entreriez au son des cymbales, sous des palmes ; des théories de jeunes filles, vêtues de blanc, iraient vous recevoir aux portes, en chantant une cantate de M. Buisson, membre de l'académie de Carcassonne182 ; et même les jeunes filles pourraient pousser les choses jusqu'à vous baiser au front. Mais je sais trop bien que les réceptions de l'Élysée ont blessé vos modesties républicaines et que, si vous refusez de rentrer dans votre capitale, c'est justement pour grossir le Trésor et rompre avec tous les galas monarchiques.

Enfin, je pourrais vous dire que vous aurez prochainement une occasion superbe d'avoir de l'esprit. Cela devrait vous tenter ; vous usez si peu souvent de ces occasions-là ! Vous n'ignorez pas que le conseil municipal a invité M. Thiers à un grand banquet pour le remercier de l'héroïsme qu'il a montré en s'oubliant dans les rues de Paris jusqu'à minuit. Des hommes moins antiques que vous s'inviteraient à ce banquet. Une délégation de quinze membres viendrait au dessert trinquer avec ces bons enfants de Parisiens, qui ne demandent qu'à sauter à votre cou. Mais, je l'ai dit, vous êtes des hommes antiques, et ce n'est pas un banquet, dût-on y servir les perdreaux fantastiques que la réaction a vus sur la table de M. Thiers, qui vous ébranlera jamais dans vos convictions. Les asperges sont plus tendres à Versailles, et voici venir les canetons aux petits pois, si moelleusement rissolés dans les casseroles de la province.



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