Week-end à Zuydcoote by Merle Robert

Week-end à Zuydcoote by Merle Robert

Auteur:Merle, Robert [Merle, Robert]
La langue: fra
Format: epub
Tags: M
Publié: 2012-05-24T13:04:58+00:00


— Merci pour les bottes.

— Oh de rien! dit le soldat hostilement.

Il s'éloigna. Maillât retourna vers l'Anglais.

— Vous vous sentez mieux?

— J'ai froid, -dit l'homme. Maillât se pencha sur lui.

— Je retourne à l'eau chercher un copain. Je reviens tout de suite. Je peux vous confier mes bottes en attendant?

— Mettez-les sous ma tête, dit l'homme faiblement. Au moment de rentrer dans l'eau, Maillât sentit une

immense fadgue l'accabler. Devant lui, le cargo continuait à brûler. Les soldats qui marchaient sur la plage le regardaient à peine en passant. Il brûlait. Il avait l'air seul, abandonné de tous. Sa masse sombre, avec les hautes flammes qui le couronnaient, se détachait sur le ciel encore clair. Il faisait doux. C'était une soirée lumineuse de juin, et la mer était si calme que la vague qui venait lentement mourir sur le sable ne laissait presque pas d'écume.

Maillât retira sa ceinture de sauvetage, la jeta sur le sable, fit quelques pas, le regard fixé sur le cargo. Une masse à ses pieds lui fit baisser les yeux. Il comprit que c'était dans cette masse qu'il avait buté quand il était sorti

de l'eau tout à l'heure. C'était un corps humain complètement nu, sectionné net au-dessus de l'estomac. Le torse et la tête avaient dû tomber ailleurs, peut-être dans la mer. Ce fragment d'homme s'étalait là, obscène et anonyme, avec des jambes longues et musclées, étendues dans une pose naturelle, comme pour le repos. Maillât le regardait, immobile. Le ventre surtout le fascinait. Avec sa blancheur, ses muscles lâches, la courbe de ses flancs, il avait l'air, au-dessous de l'affreuse blessure, de continuer à vivre. Maillât se baissa et le toucha de la main. Il était tiède. Des soldats qui passaient avaient vu le geste. L'un d'eux se retourna et lui cria une plaisanterie ignoble. Maillât entendit leurs rires qui s'éloignaient.

L'eau était presque chaude, et débarrassé de ses bottes, et de sa ceinture de sauvetage, Maillât nageait plus facilement. Il atteignit le cargo en quelques brasses. A l'arrière, la grappe humaine se pressait toujours contre la rambarde. Les flammes n'avaient guère dépassé la passerelle, du moins apparemment, car Maillât ne pouvait voir que les plus hautes d'entre elles. Les hurlements sans nom du début avaient cessé, mais une sorte de plainte les avait remplacés. C'était une plainte interminable, psalmodiée, aiguë comme une plainte de femme. Quand le panache de feu se tordait vers l'arrière, elle devenait plus forte. Maillât voyait alors des bras se lever et s'agiter dans l'air avec des gestes de suppliants. Deux cordes attachées à la rambarde, pendaient maintenant jusqu'à la mer.

— Atkins!

Trois ou quatre hommes seulement nageaient ou flottaient autour de lui. Au-dessus de sa tête, la plainte continuait, interminable, avec des accalmies subites et de brusques crescendos.

— Atkins 1 cria Maillât de toutes ses forces.

Des voix confuses lui répondirent d'en haut. Maillât .

s'approcha. Qu'eSt-ce qu'ils attendaient donc pour sauter, ou se laisser glisser le long des cordes?

Il appela de nouveau Atkins à pleins poumons, et attendit. Il attendit un long moment. L'eau lui paraissait froide maintenant, et ses jambes commençaient à s'engourdir.



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