Vivre avec Alzheimer by Valentine Charlot

Auteur:Valentine Charlot [Charlot, Valentine]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Mardaga
Publié: 2012-12-31T16:00:00+00:00

La privation sensorielle

Si ces différents sens s’émoussent avec le temps, ils semblent en partie compensés par d’autres, plus primitifs, comme la capacité de ressentir des vibrations ou des pressions sur le corps. Certaines personnes atteintes d’une maladie dite d’Alzheimer se frottent les mains ou les genoux, se balancent ou tapotent sur la table, comme pour compenser un manque de stimulation, apaiser une angoisse ou transmettre un message.

Dans la littérature, les recherches qui se sont intéressées à la privation de stimulations sensorielles sont nombreuses. Dans ces expériences, les participants (des volontaires sans problème médical important) sont privés le plus possible de leurs perceptions sensorielles : ils portent un casque diffusant un bruit blanc en permanence, ont parfois un bandeau sur les yeux, sont privés d’odeurs et de goûts, sont isolés des contacts humains et des relais informatiques, et se retrouvent enfermés, certains dans le noir, dans une pièce étroite, une grotte ou un caisson isolant. Au bout de quelques jours, de nombreuses personnes confrontées à ces conditions – qu’elles décrivent comme une véritable torture mentale – présentent des hallucinations de divers ordres (par exemple, elles voient des serpents ou ont la sensation que leurs draps sont trempés). Comme si leur cerveau compensait l’absence de stimulations externes par un flot d’autoproductions. Au retour à la réalité, tous se déclarent soulagés mais présentent de réelles difficultés de concentration et de mémoire.

Déjà dans la population âgée en général, un tiers des personnes de plus de 60 ans qui ont des troubles auditifs signalent la présence d’hallucinations auditives (chansons, paroles, etc.). Tout cela illustre bien à quel point les perceptions sensorielles sont essentielles pour maintenir le lien avec la réalité. Personne ne perçoit le monde exactement de la même façon que son voisin. Chaque perception est particulière et détermine les attitudes et les comportements.

Il est temps de s’interroger : quelles stimulations, quelles rencontres sensorielles, sont encore proposées aux personnes atteintes d’une maladie dite d’Alzheimer ? Quand la maladie évolue, sont-elles encore touchées en dehors des soins ? Leur parle-t-on encore ? Quels odeurs et goûts ont-elles encore l’occasion de ressentir ? Que leur est-il donné de voir ?

Petit à petit peut s’installer une mise à distance de cette personne qui vit une réalité différente, ce qui creuse le fossé de la solitude et de l’angoisse. Cela peut même participer en partie à l’apparition de certains troubles que nous croyons inéluctables.

Vous avez le droit à une vie pleine dans tous ses aspects, incluant le fait d’apprécier ce que vous mangez, d’être enivré par des caresses, de suivre une odeur ou de vous endormir au bruit du vent. Le fait que vous présentiez une maladie dite d’Alzheimer ne doit pas vous isoler du reste du monde. Votre entourage pourra certainement vous aider à continuer de vivre des rencontres sensorielles.

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