Vaughn Evelyn - Lunes De Sang by Tinie - Athame

Auteur:Tinie - Athame [Athame, Tinie -]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Harlequin - Sixième sens
Publié: 2012-03-25T04:00:00+00:00

Une brume légère montait des marais environnants, lorsqu'elle arriva devant la Maison Deloup, habillant les vénérables murs d'un linceul fantasmagorique. Elle garait la Chevrolet au pied du perron, et attendit avant d'en descendre. Cette brume ne lui plaisait pas. Elle étouffait les sons et donnait la sensation de se mouvoir au ralenti.

A contrecœur, elle éteignit son moteur et ouvrit la portière. Une langue grise s'enroula autour de ses jambes aussitôt qu'elle eut posé le pied sur le gravier. Maudit brouillard. Il paraissait animé d'une volonté propre. Il réussissait à faire taire le chant des criquets et apportait des effluves de pourriture.

La porte d'entrée et son marteau en forme de tête de, loup lui semblaient hors d'atteinte, et pourtant, quelques secondes plus tard, elle posait la main sur le fin museau de cuivre et frappait.

Alors qu'elle attendait qu'on lui ouvrît, elle songea à Helena qui, un soir comme celui-ci, était venue retrouver son fiancé Rodolphe. Et en était morte.

Le battant s'ouvrit, mais pas sur Rand comme elle s'y attendait. Ce fut Lenny, le visage fendu d'un grand sourire, qui l'accueillit.

— B'jour, Sylvie. Je suis content de vous voir. Rand m'a dit de m'occuper de vous le temps qu'il arrive. Entrez.

Elle constata avec satisfaction que nul bégaiement n'affectait l'élocution de Lenny, preuve qu'il était heureux à la Maison Deloup : il ne bégayait que lorsqu'il était mal à l'aise. Au moins, Rand aurait réussi cela : rendre son équilibre au brave Lenny.

Le hall, lorsqu'elle y pénétra, lui sembla encore moins accueillant que lors de sa première visite. Elle regarda autour d'elle et découvrit ce qui créait cette sensation : un nouveau tableau était accroché sur le mur du fond, et sa composition accentuait le côté sinistre de la pièce.

Dans un cadre surchargé de dorures, un homme en uniforme de soldat sudiste dardait son regard magnétique sur les arrivants. Au premier abord, ses traits étaient ceux de Rand mais, lorsqu'on l'examinait plus attentivement, on découvrait une mâchoire anormalement allongée et un nez trop pointu, un nez qui évoquait l'extrémité d'un museau de... oui, de loup. Ses oreilles également avaient la forme triangulaire de celles d'un animal. Le cœur battant, Sylvie se rendit compte qu'un cerne sombre entourait les yeux gris argent et s'étirait vers les tempes. Exactement comme le masque facial d'un loup.

— C'est réussi, hein ? demanda Lenny. C'est Rodolphe. Je l'ai peint. Comment vous le trouvez ?

Sylvie hocha la tête, incapable de proférer un seul mot. Comment Rand avait-il osé commander un tel travail à Lenny, déjà si perturbé? Elle se rappelait qu'il l'avait engagé en spécifiant qu'il ne lui demanderait que des tableaux ornementaux pour la petite maison dans laquelle il vivait.

Le son d'un pas dans le monumental escalier la fit tressaillir : Rand descendait. La magie qu'il exerçait sur Sylvie opéra une nouvelle fois : aussitôt qu'elle le vit, vêtu d'un pantalon noir, d'une chemise blanche et d'un blazer bleu qui relevait la teinte gris pâle de ses yeux, elle se sentit fondre. Pourtant, il n'avait même pas encore posé les yeux sur elle.

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