Une verrière sous le ciel by Lenka Hornakova-Civade

Auteur:Lenka Hornakova-Civade [Hornakova-Civade, Lenka]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Fiction, Literary, General
Éditeur: Alma éditeur
Publié: 2018-01-31T23:00:00+00:00

Les cortèges – obligatoires, les drapeaux rouges – obligatoires, la fête triste – obligatoire... et pas de muguet le 1er Mai en Tchécoslovaquie, il fait encore trop frais. On allait le chercher plus tard, quand le mois était déjà avancé, dans une forêt de hêtres et de bouleaux, une forêt claire, sous les arbres aux feuilles fraîches et légères. Une année on avait cueilli un joli bouquet, bien dodu. Dans le train de retour pour Prague le wagon entier embaumait, on aurait pu nous pister, le nez en l’air, tellement le muguet sentait fort. Les gens nous souriaient. C’était un voyage agréable. L’appartement a vite pris les senteurs de la forêt, des fleurs. J’en ai distribué à tout notre palier et aux voisins des étages inférieurs, enfin à ceux qui voulaient bien ouvrir leur porte quand je sonnais. L’une des voisines m’a grondée, elle m’accusait d’avoir ramassé le muguet qui poussait dans la cour et qui était réservé au bien-être de tous ses habitants.

C’est vrai qu’il y avait là tous les ans quelques brins un peu maigrichons, une sorte de défi à la ville, une bande de terre noire où poussaient différentes essences de fleurs. Jamais je n’aurais osé y cueillir une fleur sans autorisation. C’était une voisine stupide et je regrettais d’avoir sonné chez elle. J’étais donc allée soigner ma déception à la cave où il était totalement inutile d’apporter du muguet. Personne, mis à part quelques rats, n’habite à la cave. J’ai laissé les muguets là. Si à ce moment-là on avait fait le concours de la cave la mieux parfumée de la ville, notre immeuble aurait été le grand gagnant.

Dans le café, toujours personne ne fume. J’aurais tellement aimé une cigarette. Les gens sont tout attendris par la présence du muguet. Moi, la douleur martèle ma tête, alors je vais le faire, je vais fumer. Je vais me servir. Je passe derrière le comptoir, prends le paquet de Bernard, j’en allume une. Ça m’arrache les poumons.

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