Un souffle une ombre by Christian Carayon

Un souffle une ombre by Christian Carayon

Auteur:Christian Carayon [Carayon, Christian]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Thriller
Éditeur: Fleuve Noir


25

Valdérieu connaissait toujours une très belle arrière-saison tandis que les couleurs de l’automne faisaient flamboyer jusqu’aux sombres versants de la montagne. Cependant, en cette fin du mois d’octobre, la grisaille semblait vouloir s’installer à demeure.

La maison de Fonbelle avait pris un autre visage, moins enjoué. Je devais allumer la cheminée tous les jours sous peine de voir la température dégringoler et l’humidité se faire trop prégnante. Néanmoins, je ne regrettais absolument pas mon appartement douillet. J’étais même pressé de m’en débarrasser. L’agent immobilier m’avait informé qu’une dizaine de visites avaient eu lieu. Je me suis adapté aux nouvelles contraintes de mon quotidien. J’avais fait rentrer dix stères de bon bois en septembre. Les deux radiateurs à bain d’huile que j’avais achetés et le pull du soir sont devenus des auxiliaires indispensables. Même quand je rentrais tard, que la nuit était d’encre, que les volutes de brume s’élevaient de la route et gênaient la visibilité, que la maison se montrait peu accueillante, tassée à l’écart du village, silhouette noire que d’autres que moi auraient trouvée lugubre, mon enthousiasme n’était pas émoussé.

Le soir de ma conférence à la médiathèque, le temps que la chaleur s’installe dans la maison, je suis resté plus longtemps à observer les photos accrochées au mur, notamment celles montrant Guillaume. Des quatre de Basse-Misère, il était celui dont je me sentais le moins proche. Je ne pouvais m’empêcher de le voir comme l’élément rapporté, l’intrus dans le monde de Justine. Son visage rond n’exprimait pas grand-chose. Même à bord des canoës, quand la joie était partout, il était peu expressif. Il me semblait lisse. J’avais du mal avec lui à cause de cela : il me renvoyait une partie de ma propre image.

Quand j’étais étudiant, une des filles qui faisaient partie de notre groupe de travail – pas celle dont j’étais amoureux, une autre, moins mignonne et beaucoup plus acide – avait décrété, un lundi matin, qu’elle me trouvait consensuel. Comme d’habitude, sur le coup, je n’ai rien dit, ne trouvant aucune repartie à lui envoyer. Pourtant, cela m’avait profondément blessé. Je ne vivais certes pas dans les excès en tout genre comme Jean-Henri. Je ne savais pas donner un avis tranché lors de nos discussions. Je m’abstenais autant que possible de froisser qui que ce soit. En effet, en apparence, j’étais quelqu’un de consensuel. Autrement dit, selon cette fille, transparent et sans intérêt. Or, au fond de moi, je sentais que ça bouillait en permanence, que j’étais fait de rugosités. Un peu plus tard, lors de vacances en Corse, une autre fille m’avoua qu’avant de vraiment faire ma connaissance et de se mettre à m’aimer beaucoup, elle avait eu du mal à aller vers moi, en raison de ma « personnalité très clivante ». En silence, je lui en ai été reconnaissant. Je me demande où sont ces deux filles aujourd’hui. J’ai bien tenté plusieurs fois de retrouver leurs traces sur Internet mais sans y parvenir. Toujours est-il que ces souvenirs m’ont poussé à me montrer moins sévère envers Guillaume Armengaud.



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