Un islam pour notre temps by Abdennour Bidar

Un islam pour notre temps by Abdennour Bidar

Auteur:Abdennour Bidar
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Le Seuil


L’intériorisation de la loi religieuse

Il s’agirait ainsi de garder uniquement les pratiques à travers lesquelles se fortifie la conscience spirituelle : si c’est à travers la prière seulement que j’ai le sentiment de me trouver face à Dieu, c’est elle que je dois garder ; si en revanche je juge que seule la pratique du dhikr (invocation de Dieu avec un chapelet) ouvre en moi la perception de cette présence, alors il suffira à mon islam. J’ai écrit ailleurs, sur ce sujet, que la simple prononciation du Témoignage de foi Ὃ « je témoigne qu’il n’y a de réalité qu’Allah et que Mohammad est son prophète / Ach’hadou anna la ilaha illa Llah wa ach’hadou anna Mouhammadoun rassoulou Llah » Ὃ peut suffire à un musulman. Car elle est une synthèse de notre tradition tout entière. Qui plus est, elle exprime la présence de Dieu, donc elle convient parfaitement à notre temps où, comme je l’ai expliqué, l’homme est en voie de se réconcilier totalement avec son essence divine, après des millénaires de séparation entre son individualité et l’absolu.

Le Témoignage de foi est à cet égard très différent des autres principes majeurs de l’islam. En effet, hormis lui, tous expriment l’idée d’une distance entre l’homme et Dieu et se définissent comme des moyens de parcourir cette distance : l’aumône renvoie ainsi à la nécessité d’une purification, comme le jeûne du mois de ramadan ; et le pèlerinage comme la prière nous orientent vers La Mecque, se fondant donc sur l’idée que l’homme est en situation d’exil et d’éloignement vis-à-vis de la source de son être. Tous appartiennent visiblement à un temps de l’islam où l’homme était en manque de Dieu, privé de sa présence. Seul le Témoignage est proclamation et jouissance spontanée de cette présence, et convient en ce sens particulièrement bien à la nature spirituelle de notre époque.

Quoi qu’il en soit, ce n’est pas à moi de dire à chacun ce qu’il doit garder de la tradition. Désormais, chacun est seul en face de lui-même et doit se mettre en accord avec les exigences de sa propre conscience spirituelle. Il n’est plus soumis au tribunal extérieur de la loi, mais il rend à présent des comptes à un juge intérieur. La liberté spirituelle ne signifie donc pas la fin de toute exigence : elle n’est plus soumission à un autre que soi mais obéissance aux besoins de son propre appel intérieur. Encore une fois il apparaît donc qu’elle n’est pas le pouvoir sans limites de faire tout et n’importe quoi. Loin de là, elle correspond exactement à la définition de l’autonomie. Être autonome, en effet, selon l’étymologie du mot telle que Kant nous la rappelle, c’est se donner à soi-même sa propre règle d’action : « L’autonomie de la volonté est cette propriété qu’a la volonté d’être à elle-même sa loi29. »

Le terme « loi » est ici capital. Il montre en effet ce que devient la loi religieuse (shari‘a) dans l’islam du temps présent. Elle ne disparaît pas, elle n’est pas abolie.



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