Un été au Kansai (Arthaud, 2 septembre) by Slocombe Romain

Un été au Kansai (Arthaud, 2 septembre) by Slocombe Romain

Auteur:Slocombe, Romain [Slocombe, Romain]
La langue: fra
Format: epub
Tags: littérature française
ISBN: 9782081313378
Google: 7jn7CAAAQBAJ
Éditeur: Arthaud
Publié: 2015-09-18T16:00:00+00:00


Le 20 mars.

J’ai fait la nuit dernière un cauchemar qui m’a laissé horriblement secoué. J’espère qu’il n’a rien de prémonitoire.

Cela a débuté par une scène très réelle, que nous avons vécue tous les deux, au début de janvier 1940. Souviens-toi de ce grand bal à l’ambassade du Chili en bordure du Tiergarten ; un bal charmant, tout à fait comme au temps de l’avant-guerre. J’ai dansé avec les deux sœurs Welczeck, les filles de notre ancien ambassadeur à Paris. Leur frère Hansi était là aussi, avec sa fiancée, Sigi von Lafert. Et Missie Vassiltchikov, qui venait d’arriver de Silésie avec sa sœur, elles ne connaissaient pas encore grand-monde. (C’est une coïncidence curieuse qu’en allant rendre visite aux parents en janvier, tu l’aies revue par hasard à la gare de Görlitz.) Outre ceux de l’AA, beaucoup de garçons étaient élèves officiers de blindés, à Krampnitz. Je me rappelle avoir parlé au jeune Eddie Wrede, tué plus tard dans les premiers jours de l’entrée en Russie. Tu as dansé avec Ronnie Clary. Lui aussi est mort là-bas. Puis cette chanteuse chilienne est montée sur scène, Rosita Serrano. Je la trouve très agaçante avec ses minauderies à la guitare – mais c’est une favorite des pontes de l’administration et du parti. Elle a commencé par Rumba Tambah, un air que j’avais déjà entendu interpréter, avec plus de talent, par les Lecuona Cuban Boys. Et ensuite en français, avec l’accent sud-américain, Un amour comme le nôtre. Après cela elle a chanté Es leuchten die Sterne, d’une voix doucereuse, et enfin une chanson que j’aime beaucoup, Roter Mohn. C’est là que dans mon rêve les choses se sont mises à se gâter. Parmi les danseurs, j’ai d’abord constaté que tous les hommes portaient des vêtements brûlés, noircis et déchiquetés, et que leur peau se marbrait de plaques rouges. (Je crois que pour les vêtements, c’est à cause des descriptions entendues à propos de tous ces réfugiés de Hambourg que l’on voit à Berlin et ailleurs en Allemagne…) J’étais le seul homme avec des habits intacts. J’ai demandé à ma cavalière ce qui se passait. C’était maintenant Hiltraud que je tenais dans mes bras. Elle portait sa tenue d’infirmière. « J’ai soigné une jeune fille de seize ans qui est devenue folle, m’a-t-elle répondu, un peu à côté de ma question. On l’a trouvée au milieu de la Kurfürtenstrasse sur un grand tas de décombres. Sa famille entière était morte, ensevelie sous ses pieds. Elle seule était indemne. La jeune fille ramassait des briques, une par une, les essuyait soigneusement et, avec un ricanement de démente, les balançait derrière son dos. » Traudi a éclaté de rire à son tour, avant d’ajouter : « Je t’ai donné ma virginité, Fritzchen. Tu sais que Sorge me voulait, mais j’ai résisté à ses avances. C’est pour cela que tu es le seul à n’avoir pas tes vêtements brûlés… Tokyo va disparaître dans les flammes, mais tu y échapperas. Je ne veux pas nettoyer les pierres pour les jeter derrière moi en riant.



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