Un Attentat by Jeanneney Jean-Noël

Un Attentat by Jeanneney Jean-Noël

Auteur:Jeanneney, Jean-Noël [Jeanneney, Jean-Noël]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Histoire
Éditeur: Seuil
Publié: 2018-10-04T14:24:18+00:00


12

Un châtiment

Récompenser est toujours agréable, donc facile.

Punir est plus pénible, mais peut-être plus nécessaire.

Le cardinal-duc (de Richelieu] a bien vu la question.

Charles de Gaulle à Pierre-Henry Rix, 1947 ou 1948 (1)

Lorsque le meurtrier d’un grand personnage est maîtrisé, avant son acte, sur-le-champ ou peu après, se pose la question de la punition. Je ne parle, bien sûr, que de ceux qui échappèrent à une mort instantanée ou quasi immédiate, telle celle subie par Booth, qui tua Lincoln, ou par Oswald qui assassina Kennedy.

La peine capitale, largement pratiquée, fut souvent infligée, dans l’Ancien Régime, en France, avec des raffinements de cruauté destinés à répondre au viol du sacré. En témoignent les supplices infligés à un Ravaillac, l’assassin d’Henri IV, en 1610, ou à un Damiens, le malheureux qui avait donné un coup de canif à Louis XV, en 1757. Pompidou les évoquait, on se le rappelle, le 22 août au soir. Damiens fut, sous les yeux d’une foule venue comme au spectacle, écartelé en place de Grève par quatre chevaux, après que le bourreau eut brisé ses membres. Son tourment dura plus de deux heures. Les régimes contemporains se sont montrés plus expéditifs. Pas seulement les dictatures, mais aussi la plupart des démocraties, celles au moins qui n’ont pas aboli la peine de mort.

Ce qui n’exclut pas la clémence d’Auguste, celle du Cinna de Corneille. Deux ressorts sont possibles en faveur de celle-ci : à la générosité du pardon peut s’ajouter la crainte de faire des martyrs qui provoqueront de nouveaux complots. Livie, épouse de l’empereur, use du second argument pour le persuader de pardonner à ses proches qui ont projeté son assassinat.

« Essayez sur Cinna ce que peut la clémence ;

Faites son châtiment de sa confusion,

Cherchez le plus utile en cette occasion :

Sa peine peut aigrir une ville animée,

Son pardon peut servir à votre renommée ;

Et ceux que vos rigueurs ne font qu’effaroucher

Peut-être à vos bontés se laisseront toucher (2). »

Au cours de sa plaidoirie pour Bastien-Thiry, Tixier-Vignancour évoqua, dans la même ligne, le précédent de Sadi Carnot, président de la République, refusant sa grâce, en 1894, à Auguste Vaillant qui avait jeté une bombe dans l’hémicycle du Palais-Bourbon et peu de temps plus tard, assassiné lui-même par un autre anarchiste, Caserio (3).

Dans un rapport confidentiel au ministre des Armées Pierre Messmer, le procureur général Gerthoffer rejoignit l’empereur Auguste, deux millénaires plus tard. Après avoir dit pleinement justifié le verdict de la Cour — qu’il avait demandé —, il écrivait : « Au point de vue politique, l’exécution des trois condamnés ne paraît pas souhaitable. De très nombreuses personnes, qu’elles soient très attachées au général de Gaulle, simplement sympathisantes, sans opinion ou même dans l’opposition, apprécieraient hautement un acte d’une infinie générosité qui rehausserait encore le prestige du Chef de l’État, et ce d’autant plus qu’en France la peine de mort devient de plus en plus impopulaire. » Et il ajoutait qu’il vaudrait mieux priver « les irréductibles de la subversion » d’avoir « leurs martyrs (4) ».

Une telle préoccupation



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