T2 Native by Gala De Spax

Auteur:Gala De Spax [Spax, Gala De]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00

XVII.

Comme Arakel l'avait prévu, Patrice n'était pas dans la maisonnette de

ma mère. Elle m'accueillit, gracieuse et souriante comme toujours… enfin

surtout depuis qu'elle n'était plus humaine. Je lui expliquai que j'avais

besoin de souffler un peu et lui demandai si elle pouvait me garder Gabriel

quelques jours. Bien entendu, elle fut ravie et enchantée de pouvoir

s'occuper de son petit-fils. Je savais qu'elle ne pourrait pas refuser puisque,

comme toutes les âmes de ce monde, elle était péniblement serviable,

aimable, attentionnée, conciliante, prévenante et arrangeante. Ça en

devenait presque écœurant tout cet amour qu'elle partageait

généreusement. Vivre au pays des âmes n'a vraiment rien de paradisiaque

finalement. Pour qu'un monde soit parfait, il faut aussi son lot de malheur

pour profiter pleinement de son bonheur. Toute cette joie et cette

gentillesse m'étouffaient. Je ne sortais plus de chez moi par peur de croiser

une adorable petite voisine prévenante qui voudrait venir me faire la

conversation pour que je ne m'ennuie pas ou encore tailler parfaitement

mes rosiers, car je pourrais me faire mal avec les épines. Ce qu'elles n'ont

pas compris, toutes ces âmes pures, c'est que je veux avoir mal, je veux me

piquer, crier, pleurer. J'en ai marre de devoir être souriante tout le temps et

faire semblant de les apprécier. Même leurs vêtements m'agacent ! Ici, on

ne trouve que du blanc, du blanc, du blanc partout ! Je fais une overdose

de cette couleur ! Je veux porter du rouge, du noir, du vert. Souvent elles

m'offrent leurs créations qu'elles ont tricotées pendant des heures au

crochet pour Gabriel. Elles confectionnent des tonnes de chaussons en

laine alors qu'il fait trente degrés sur Sinaï. Elles sont aussi intelligentes

que mes dindes bleues ! Il n'y a pas que du bon à mourir, on y laisse aussi

un bout de cerveau. Mais elles sont heureuses comme ça, puisqu'elles sont

toutes ainsi ! Elles se réunissent pour papoter des journées entières, pour

chanter et danser. Quand je vois ma mère avec son groupe d'amies, j'ai

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envie de pleurer. Elle est passée d'infirmière directive et intransigeante à

mollassonne godiche et nunuche.

Même Gabriel m'agaçait parfois, c'est dire ! Il ne pleurait jamais, souriait

tout le temps, ne mangeait pas, ne salissait pas de couche, ne cassait rien,

un vrai petit ange ! J'aurais pourtant tant aimé l'engueuler parce qu'il venait

de faire une énorme bêtise du genre manger du sable, sucer un escargot,

briser un vase, ouvrir les placards et jeter tout ce qui s'y trouvait, rayer mes

disques en les frottant par terre, mordre une petite copine jusqu'au sang ou

au moins lui tirer les couettes. Il y a tant de choses à faire qui méritent une

remontrance. Mais non, lui ne faisait rien ! Il jouait toute la journée

sagement avec ses avions et ses voitures sans rien demander jusqu'à ce que

je le couche. Il s'endormait sans rechigner, sans pleurer et attendait

patiemment dans son lit jusqu'à ce que je vienne le chercher le lendemain

matin. Je pense que toutes les mères rêvent de ça, mais pas moi ! Je suis

vraiment une mère indigne et j'en ai honte mais ce séjour sur Naïa était une

bénédiction. J'avais besoin… de vivre. J'allais être servie.

Je fis un gros bisou à Gabriel et le laissai avec soulagement dans les bras

de ma mère.

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