SYMPHONIE EN ROUGE MAJEUR (French Edition) by THOUVENIN François & LANDOWSKY Joseph

SYMPHONIE EN ROUGE MAJEUR (French Edition) by THOUVENIN François & LANDOWSKY Joseph

Auteur:THOUVENIN, François & LANDOWSKY, Joseph [THOUVENIN, François & LANDOWSKY, Joseph]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 2024-01-19T23:00:00+00:00


XXVI

CONFESSION

La torture de Gamarnik fut suspendue à trois reprises pour me permettre de faire chaque fois une injection au prisonnier, dont la résistance physique allait en diminuant ; la première fois, il avait subi vingt heures de station debout, pendu par les poignets, mais la troisième, il ne tint que six heures. Il s’épuisait visiblement, et je craignais de le voir mourir. N’importe quel médecin ignorant la cause de son état fébrile, de son émaciation et de sa faiblesse aurait diagnostiqué quelque chose de grave. Je fis part de mes craintes à Gabriel, et non sans raison, puisqu’il m’avait rendu responsable de la vie du général.

Il ne s’en émut pas le moins du monde, bien que je pusse deviner combien lui importaient les révélations du général soumis à la torture.

─ J’ai essayé de le maintenir en état de sensibilité normale. – me dit-il – Je suppose que vous avez besoin pour cela des ressources de votre science, docteur. Quant au danger de mort dont vous parlez, je l’avais pris en compte, et c’est justement de cela qu’il s’agit. Quand un homme arrive à ce point précis qui sépare la vie de la mort, de l’être et du non-être, une chose mystérieuse s’empare de lui, et je ne saurais la définir ; je me suis borné à en constater l’existence dans d’innombrables cas, et j’ai tiré parti de ses effets. Je ne sais si je m’exprime bien, mais à condition que l’homme soit encore pleinement conscient, cet instant d’épouvante face à la mort est idéal pour obtenir de lui tout ce qu’on veut s’il pense pouvoir éloigner l’issue fatale en cédant. C’est pourquoi, docteur, nous devons guetter cet instant, car quand il arrivera, l’intéressé parlera forcément.

J’eus envie de discuter sa théorie, ne serait-ce que pour approfondir ma connaissance d’un tel abîme d’iniquité.

─ Je ne doute pas que votre expérience ait pu vous amener à cette conclusion ; mais permettez-moi de mentionner un fait qui va à l’encontre de celle-ci : le suicide. Vous ne pourrez nier que si Gamarnik avait eu le moyen et l’occasion de se tuer, il l’aurait fait sans hésiter.

─ En effet, docteur : il se serait suicidé.

─ Alors ?... Ce n’est pas la peur de la mort qui pourra le faire parler.

─ Je vois que vous biaisez, mais faisons une distinction, docteur : je parlais de la peur non pas devant l’idée de mort, mais face à une mort réelle. Il y a autant de différence entre la mort imaginée par quelqu’un qui décide de se suicider et la mort réelle qu’entre la peinture et son modèle. Pas un seul suicidaire sur le point de mourir ne cesse de lutter pour survivre ; c’est là un fait qui n’admet aucune exception. Et c’est précisément à cela que tient l’infaillibilité de notre méthode.

─ Je ne comprends pas du tout.

─ C’est pourtant bien simple, docteur : il s’agit d’amener l’homme au seuil même de la mort, mais en laissant toujours à sa portée une chose à laquelle se raccrocher : la confession.



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