Swipe à droite by Unknown

Auteur:Unknown
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Andara

Mon frère est arrivé à 9 h avec deux cafés qu’il avait commandés en chemin.

— Ah! T’es ben sweet! Merci, Alex.

J’ai essayé tant bien que mal de m’installer gracieusement dans sa voiture, mais en l’absence de l’élégance naturelle requise pour le faire avec aisance dans un intérieur fait de cuir et d’inclinaisons, j’ai dû me laisser choir.

— Ça va?

— Oui, oui. C’est une nouvelle voiture?

J’avais l’impression d’être assise par terre.

— Oui.

— C’est… luxueux.

— C’est un cadeau pour mes quarante ans. Il n’a pas relevé mon air perplexe.

— …un peu en retard.

— Ça fait changement de la Lexus, en tout cas.

On s’est mis en route pour la campagne de «nos» parents. J’étais quand même heureuse de la qualité de la stéréo parce qu’on avait pas mal épuisé nos sujets de discussion au bout d’une minute. Il a fallu attendre d’emprunter la route qui longeait le fleuve pour qu’il en vienne aux faits.

— Cath?

— Oui?

— T’as parlé à Hélène?

— Mmmoui… Souvent. Tu veux dire en général ou de vous spécifiquement?

— Je capote. Ça fait un mois qu’elle est partie. Je ne voulais pas faire de scène. Je voulais respecter son souhait. Elle avait l’air tellement déterminée. Comme si tout était déjà réglé.

Je me suis sentie osciller entre la solidarité fraternelle et ce qui m’apparaissait comme un nécessaire reality check.

— Eh bien… Elle m’a aussi dit qu’elle avait essayé de trouver une solution, qu’elle t’avait parlé… que vous aviez parlé de tout ça… mais que tu n’avais pas exactement été réceptif.

— Je pense que je n’étais pas prêt à recevoir ça.

— OK…

— Ce n’est pas si simple. C’est sans doute vrai que j’ai tenu Hélène pour acquise, mais ça n’a rien à voir avec mon amour pour elle.

J’ai pitonné sur la radio, ne sachant pas trop quoi ajouter.

— Et je ne me suis jamais posé la question de la séparation. C’était notre couple, notre famille que je tenais pour acquise, en fait.

— Je ne suis vraiment pas une experte en la matière, hein. Je ne me sens pas de te donner des conseils, mais il me semble qu’aucun humain n’aime se sentir négligé.

— Tu y vas fort! Négligée… quand même! Tu ne vas pas me dire qu’elle faisait pitié?!

— Pourquoi? Parce que vous aviez une grosse maison avec une belle cour? Tu sais à quel point j’aime Ludovic, mais il me semble que je trouverais le temps long à partager une grosse maison vide avec un enfant. Peut-être qu’elle s’ennuyait juste de son chum. Je ne pense pas qu’elle avait comme projet de vie de prendre un verre toute seule le soir dans votre spa.

J’ai vu ses mâchoires se contracter. Quelque chose me disait qu’il avait déjà entendu ce discours-là, contre lequel il n’avait pas vraiment d’argument. Une chance qu’il y avait la radio.

— T’sais, Cath, on entend beaucoup parler de la charge mentale des femmes et de la pression exercée sur elles pour qu’elles maintiennent un équilibre de virtuose entre la famille, le travail, la vie sociale…

— Puis être belle et désirable, et en santé, et créative, et souriante, et, et, et…

— Oui.

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