Scènes de la vie villageoise by Oz Amoz

Scènes de la vie villageoise by Oz Amoz

Auteur:Oz, Amoz [Oz, Amoz]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Société
Éditeur: Teur
Publié: 2010-01-13T23:00:00+00:00


4

La fille de feu Eidad Rubin, Yardena, âgée d’environ vingt-cinq ans, m’ouvrit. Profitant de l’absence de sa mère et de sa grand-mère, parties à Jérusalem, elle était venue de Haïfa préparer dans la solitude et le calme son mémoire sur les fondateurs de Tel-Ilan. Je me rappelai Yardena enfant. Un jour – elle avait une douzaine d’années – son père l’avait envoyée à mon bureau chercher un plan ou une carte de Tel-Ilan. C’était une fillette frêle et réservée au teint clair, corps de liane, long cou mince, une expression de constant étonnement figée sur ses traits fins, comme si le monde ne cessait de la surprendre et la plongeait dans la stupéfaction et rembarras. J’avais essayé d’engager la conversation sur son père, ses livres, les visiteurs qui affluaient de tout le pays, mais elle s’était bornée à répondre par oui et par non. « Comment voulez-vous que je le sache ? » avait-elle lâché finalement, pour clore la discussion qui n’avait même pas commencé. Je lui avais remis la carte du village réclamée par son père, elle m’avait remercié et s’en était allée, laissant une certaine perplexité effarouchée dans son sillage. À croire que mon bureau et moi-même l’avions précipitée dans des abîmes de réflexion. Je la croisais de temps à autre chez Victor Ezra l’épicier, à la mairie, ou au dispensaire. Toujours aussi avare de paroles, elle me souriait non moins que si j’étais de la famille, exacerbant ma frustration, comme après un tête-à-tête avorté. Six ou sept ans plus tôt, à ce qu’on disait, elle était partie poursuivre ses études à Haïfa, une fois son service militaire achevé.

Elle se tenait sur le seuil de la maison aux volets clos. Une jeune fille délicate et fragile, vêtue d’une robe de coton uni toute simple, les cheveux épars sur les épaules, portant, telle une écolière, des socquettes blanches et des sandales dont je ne pouvais détacher les yeux.

« Votre mère m’a fait venir pour discuter de ses intentions concernant la maison », déclarai-je.

Yardena m’apprit qu’elle était seule, sa mère et sa grand-mère étant parties quelques jours à Jérusalem. Elle me pria d’entrer, même si elle n’était au courant de rien. Je m’apprêtais à la remercier et à prendre congé pour repasser un autre jour, mais comme douées d’une vie propre, mes jambes la suivirent à l’intérieur. J’entrai dans la salle haute de plafond celle dont j’avais gardé le souvenir depuis mon enfance –, sur laquelle s’ouvraient plusieurs portes desservant des pièces latérales, outre un escalier menant à la cave. Le salon baignait dans l’éclairage doré diffusé par des abat-jour métalliques, fixés sous le plafond. Des étagères garnies de livres tapissaient deux murs, et la grande carte des pays du pourtour méditerranéen s’étalait toujours sur la paroi située à l’est. Elle avait jauni et les bords étaient un peu racornis. Une atmosphère vieillotte pesait dans la maison. Une légère odeur caractéristique des lieux mal aérés. Ou peut-être étaient-ce des grains de poussière piégés par la lumière ambrée et projetant un



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