Sérendipité. Du conte au concept by Sylvie Catellin

Auteur:Sylvie Catellin [Catellin, Sylvie]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Le Seuil
Publié: 2013-12-15T05:00:00+00:00

Le débat science libre/science dirigée

Incarnée dans la France de l’entre-deux-guerres par deux grandes figures de la science, le physicien Jean Perrin (1870-1942) et le chimiste Henry Le Chatelier (1850-1936), l’opposition entre science libre et science dirigée est l’objet d’un débat qui se prolonge bien au-delà de la dispute entre les deux savants. La vision d’une science désintéressée (libre), dédiée prioritairement à l’élaboration des connaissances, s’oppose à la conception utilitaire de la science industrielle ou appliquée (dirigée).

Henry Le Chatelier, surtout connu aujourd’hui comme l’introducteur du taylorisme en France, opposait « la stérilité relative des laboratoires universitaires » à « la fécondité doctrinale des études entreprises pour les besoins de l’industrie », et regrettait « l’époque si brillante où l’Académie des sciences de France, vers la fin du XVIIIe siècle, centralisait les recherches industrielles145 ». Alors que Le Chatelier préconisait une institutionnalisation de la recherche appliquée146, Jean Perrin s’opposait radicalement à ce point de vue et défendait au contraire l’institutionnalisation de la recherche fondamentale, profondément convaincu que la recherche désintéressée est, par un retour singulier, à l’origine de toutes les inventions à caractère utilitaire : « Si la Recherche pure est la source première de la Civilisation, on ne peut oublier que l’invention et la technique qui lui succèdent sont également nécessaires (et au surplus facilitent à leur tour de nouvelles découvertes en Science pure). Bref, il s’agit d’organiser la Recherche scientifique appliquée147. » Si, pour Le Chatelier, la science a des origines industrielles148, pour Perrin, la primauté de la science pure est incontestable. Au bout du compte, c’est le projet de Service national de la recherche scientifique élaboré par Perrin et Mayer au début des années 1930 qui prendra le dessus et aboutira à la création du CNRS en 1939.

Bien que le mot ne soit pas prononcé par Perrin (il ne sera introduit en France qu’au début des années 1950), l’idée de sérendipité est bien présente dans le discours du futur créateur du palais de la Découverte (1937) devant l’Union rationaliste en 1935 :

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