Sans Héritage: 7 - 1933 (French Edition) by Lorraine Rountree

Sans Héritage: 7 - 1933 (French Edition) by Lorraine Rountree

Auteur:Lorraine Rountree [Rountree, Lorraine]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Force Majeure Lorraine Rountree
Publié: 2018-07-10T22:00:00+00:00


6 Les bonnes œuvres

Marianne avait épousé Pierre Bourdon en décembre 1918. Elle avait alors 23 ans. Il était un grand bourgeois comme le grand père de Lucien et comme Isidore Baron. Il avait l’allure, le langage, le ton de voix, le naturel, la richesse, l’originalité. Il parlait gallo avec ses ouvrières, sans effort sans gêne et sans accent. Il s’occupait de sa vieille sœur avec dévouement et tendresse. Il traitait Marianne avec une grande douceur. Il payait bien ses ouvières et leur offrait des petits avantages qui leur facilitaient la vie, une cantine, une salle de repos. Mais il se montrait sévère et intraitable avec ceux qui franchissaient la ligne de ses valeurs. Riche ou pauvre, peu importait, il n’avait aucune indulgence pour les contrevenants. Le maître d’hôtel qui avait méprisé Marianne et ses invités le jour de son mariage ne l’avait plus jamais revu dans son établissement. La femme d’un magistrat qui avait demandé au curé d’isoler sa sœur aliénée dans l’église parce qu’elle faisait trop de bruit n’avait plus reçu un centime pour ses œuvres. La fille de salle qui avait volé dans la caisse de la cantine pour nourrir ses enfants avait été remerciée malgré ses supplications et ses bonnes raisons. Pierre Bourdon ne criait pas, ne menaçait pas, ne faisait aucune morale. Il effaçait simplement de sa vie ceux qui avaient trahi sa confiance. Il ne donnait jamais de seconde chance. Il ne pardonnait pas. Il ne s’était jamais marié. On disait dans Rennes qu’il ne voulait pas prendre le risque d’une descendance débile ou folle.

Il produisait dans ses trois usines toutes sortes de boulons pour l’industrie automobile, pour l’aéronautique, pour les machines-outils et pour le bâtiment. Pendant les trois premières années de son mariage avec Marianne, il lui transmit son savoir, ses responsabilités et sur la fin tous ses pouvoirs. Elle apprit à diriger les trois usines et les immeubles de rapport. Elle se révéla exigeante avec les employés, habile avec les clients et prudente avec les financiers. Quand elle eut fait ses preuves, ils choisirent ensemble des directeurs pour les usines et un gestionnaire pour les immeubles. « Vous comprendrez ce qu’ils vous diront maintenant que vous avez dirigé vous-même » avait dit Pierre Bourdon.

Une fois par mois, il organisait un dîner avec quelques notables utiles. Avant la première de ces soirées, Marianne alla rendre visite à tante Félicité qui lui enseigna tout ce qu’il fallait savoir sur les usages de la table. Tante Félicité demanda à Viviane de dresser trois couverts de gala et montra comment il fallait se tenir, dans quel verre il fallait boire, de quel côté il fallait prendre son pain et comment il fallait déplier sa serviette. Elle dessina les trois couverts et annota le croquis qu’elle remit à Marianne. Elle parla aussi du plan de table, du baise-main et des croche-pieds qu’on essaierait inévitablement de faire à la jeune femme. « Elle aspirait mes paroles avant même que je ne les prononce » raconta tante Félicité, qui avait



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