Sang-de-lune by Bousquet Charlotte

Sang-de-lune by Bousquet Charlotte

Auteur:Bousquet, Charlotte [Bousquet, Charlotte]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Gulf stream éditions
Publié: 2016-06-14T22:00:00+00:00


J’ignore pendant combien d’heures nous avons marché. Au début, j’ai tenté de calculer, mesurer, mais j’ai vite renoncé. Mes pieds me faisaient de nouveau souffrir. Mes muscles me tiraient. J’étais à bout de force. Mais je refusais de manifester la moindre faiblesse. Alors, j’ai serré les dents, les poings, et j’ai continué. Un pas après l’autre. Sans compter. Avec, pour m’encourager, la voix d’Arienn et son sourire.

*

— Voilà, c’est ici, annonce Valli.

Intimidée, je demeure un moment immobile sur le seuil. De l’autre côté, dans une pénombre émaillée de minuscules étoiles bleutées, la tanière de mes nouveaux compagnons. Instinctivement, je cherche une autre porte, ouvrant sur une cour intérieure et la clarté du jour – il n’y en a pas, bien sûr. Ici, loin d’Alta, il n’y a que la nuit. Nous sommes trop enfoncés dans les profondeurs de la terre pour bénéficier des puits solaires et de leurs rayons. Je sais que c’est grâce à cela que fonctionnent les tubes qui éclairent l’intérieur de certaines demeures et les tunnels de mon ancienne cité. Lors de notre dernière halte, Ruben m’a expliqué que certains lieux, communs à plusieurs groupes, étaient éclairés grâce à l’énergie tirée du Sagarion, une rivière bien plus tumultueuse que l’Ereben. Les Noctes sont adaptés aux ténèbres et voient parfaitement dans le noir. Les autres, ceux qui viennent d’Alta ou qui descendent d’anciens exilés, ont appris à fabriquer des lanternes et cultivent différentes espèces de champignons luminescents. Le problème, selon Ruben, est l’absence de chaleur, qui décime les plus fragiles des leurs et les exposent trop souvent à des maladies.

Voleurs de lumière.

Je commence à comprendre le sens multiple de ce terme.

Valli et Nellio ôtent les couvercles métalliques d’une dizaine de bocaux translucides ; au contact de l’air, les poussières grisâtres qu’ils contiennent se mettent à briller – au point de ternir les spores qui scintillent au plafond. Je découvre une grotte circulaire, aménagée en pièce de vie : un coin pour la cuisine et les aliments, des étagères, une table basse formée d’un plateau de cuivre – je reconnais un disque solaire provenant d’un sanctuaire d’Alta –, de gros coussins de laine bleue. À l’opposé, je découvre avec étonnement des étagères sur lesquelles sont entassés une trentaine de livres et de nombreux documents.

La dernière fois que j’ai vu autant d’ouvrages, c’était dans la boutique du libraire qui m’a sauvé la vie.

Oubliant ma fatigue, mon corps endolori, je me dirige vers la bibliothèque, m’interromps aussitôt, confuse. Je ne suis pas chez moi, ici. Je n’y ai aucun droit.

Sensation de perdre de nouveau mes repères, d’être isolée, écrasée. Pas d’échappatoire. Le voyage s’arrête ici. Et si les Ténèbres me prennent, il n’y aura personne pour me pleurer.

Vertige.

Je m’effondre, à genoux, sur le sol. Incapable de contenir mes tremblements. Je sens une présence, derrière moi. Une main sur mon épaule appuie sur mon glyphe. Douleur. Je me débats. Fourmillement dans mon corps. Sentiment d’être rongée de l’intérieur. Chair et âme. Des voix me parviennent, de très loin. Prononcent mon nom. Je ne veux pas ouvrir les yeux, je n’ouvrirai pas les yeux.



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