Sacré by Lehanne Dennis

Auteur:Lehanne, Dennis [Lehanne, Dennis]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Policier
Publié: 1997-08-11T14:27:29+00:00

Il nous a conduits jusqu’à un bar-restaurant ouvert toute la nuit au centre de Bradenton. Dans les rues désertes alentour ne subsistait apparemment plus aucune trace de vie humaine, comme si une bombe à neutrons avait dévasté le quartier une heure avant notre arrivée. Les vitres noires des gratte-ciel et autres bâtiments administratifs environnants semblaient nous épier.

Il n’y avait que quelques clients dans le restaurant – des oiseaux de nuit, selon toute vraisemblance : un trio de chauffeurs routiers au comptoir qui flirtaient avec la serveuse ; un agent de sécurité solitaire portant un badge marqué Palmetto Optics sur l’épaule qui lisait un journal avec une cafetière pour seule compagnie ; deux infirmières en uniforme fripé dont la voix basse, lasse, s’élevait à deux tables de la nôtre.

Nous avons commandé deux cafés, Jay a opté pour une bière. Pendant une minute, nous avons tous étudié la carte. Lorsque la serveuse est revenue avec nos boissons, nous avons chacun choisi un sandwich, mais sans enthousiasme particulier.

Jay a fiché entre ses lèvres une cigarette non allumée avant de tourner la tête vers la vitre ; au même moment, un grondement de tonnerre a déchiré le ciel et la pluie s’est mise à tomber. Pas une pluie légère, ni de celles qui s’intensifient peu à peu. En un instant, la rue sèche, orange pâle sous les lampadaires, avait disparu sous des trombes d’eau. Des flaques bouillonnantes se sont formées en quelques secondes sur le trottoir, et les gouttes ont martelé le toit avec une force telle qu’on aurait dit le ciel en train de déverser des tonnes de piécettes.

— Trevor Stone a envoyé quelqu’un d’autre avec vous ? a demandé Jay.

— Graham Clifton, ai-je répondu. Et aussi cet autre type, Cushing.

— Ils savent que vous m’avez sorti de prison ?

J’ai fait non de la tête.

— On s’arrange pour les semer depuis notre arrivée.

— Pourquoi ?

— Ils ne me reviennent pas.

Jay a acquiescé.

— Les journaux ont publié le nom du type que je suis censé avoir liquidé ?

— Pas que je sache.

Angie s’est penchée par-dessus la table pour lui allumer sa cigarette.

— C’était qui ? a-t-elle demandé.

Il a tiré sur la clope sans l’ôter de sa bouche.

— Jeff Price.

De nouveau, Jay a jeté un coup d’œil à son reflet dans la vitre ; la pluie qui ruisselait le long du carreau fondait ses traits, atténuait les reliefs de son visage.

— Jeff Price, ai-je répété. L’ancien responsable des programmes de thérapie chez SOS Détresse. Ce Jeff Price-là ?

Jay a laissé tomber sa cendre dans le cendrier de plastique noir.

— T’as bien fait tes devoirs, d’Artagnan.

— Tu l’as tué ? a demandé Angie.

Tout en sirotant sa bière, il nous observait, la tête inclinée vers la droite, les yeux animés par un incessant mouvement de va-et-vient. Il a tiré une autre bouffée de sa cigarette, puis son regard s’est détaché de nous pour suivre la fumée qui s’élevait en spirale et dérivait vers l’épaule d’Angie.

— Ouais, je l’ai tué.

— Pourquoi ? ai-je questionné.

— C’était un sale type. Un très, très sale type.

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