Réputation by Lex Croucher

Réputation by Lex Croucher

Auteur:Lex Croucher [Croucher, Lex]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Les Presses De La Cité
Publié: 2022-04-07T13:08:55+00:00


La fête à laquelle elles se rendirent ce soir-là avait lieu chez Cecily. Georgiana n’avait encore jamais vu sa demeure ; situé plus loin de la ville que les maisons de ses camarades, ce château de conte de fées lui correspondait en tout point avec ses grandes tourelles, ses flèches et son ruisseau courbe qui, d’après Cecily, n’avait rien à voir avec des douves.

Les frères Dugray aux cheveux dorés étaient présents, ainsi que leurs épouses. Il s’agissait, semblait-il, d’une sorte de fête d’anniversaire. Quant à savoir qui était fêté, cette information leur avait en quelque sorte échappé en cours de route. Georgiana trouva les frères aussi beaux et bien bâtis que Frances les avait décrits. Pourtant, leur charme incontestable ne suffit pas à détourner l’attention de son amie du fait qu’aucune des majestueuses pièces ornées de tapisseries n’abritait Mr Russell. Aussi, après quelques heures, incapable de trouver celui qu’elle cherchait dans la maison, Frances réussit-elle à convaincre sa petite troupe de monter sur le toit.

Cette journée d’août avait été chargée d’une humidité désagréable ; tous s’étaient sentis harassés par les nuages qui pesaient sur eux. Néanmoins, alors qu’ils contemplaient les collines depuis le toit, il se produisit une chose magique : un éclair fourchu à l’horizon précéda un grondement de tonnerre, qui leur arracha des cris de joie mêlée de terreur. L’orage était trop éloigné pour représenter un réel danger, et comme la pluie ne s’était pas mise à tomber ils restèrent assis en silence, émerveillés, écoutant l’écho de la foudre dans la vallée et montrant le ciel du doigt chaque fois qu’il s’illuminait, comme s’ils n’étaient pas déjà tous tournés vers le même spectacle. Georgiana n’avait jamais assisté à pareil orage. Cela étant, elle n’en avait jamais vu un juste après avoir fumé une des mystérieuses pipes de Christopher non plus.

— Cela me fait penser à un poème, déclara Jonathan, agitant la main en direction du paysage.

— Quel poème ? demanda Frances.

— Oh, je n’en sais rien. N’importe lequel.

— « À peine le soleil eut-il quitté l’Orient que le tonnerre féroce secoua les champs1 », cita Georgiana sans réfléchir.

Ravi, Jonathan lui mit une tape sur l’épaule.

— Mon Dieu, tout cela tient dans votre tête ?

— Cela prend sans doute une place précieuse, répondit Georgiana avec un sourire gêné. Mon père me les faisait apprendre pour que je les récite au dîner.

— À qui doit-on ce poème-là ? Celui sur le tonnerre ?

— Euh… à Phillis Wheatley.

— Je ne la connais pas.

— C’était une esclave, intervint Frances sur un ton froid.

Georgiana tressaillit ; jamais elle n’avait entendu Frances employer ce mot ni aucun mot connexe. Elle-même prenait garde de ne pas les prononcer en sa présence, comme si éviter le sujet pouvait le rendre moins réel.

— Elle en a écrit un particulièrement réussi en l’honneur de ses maîtres glorieux et bienveillants qui ont eu la bonté de la civiliser. Il est dans notre bibliothèque. Père le lit parfois à haute voix, mais je ne suis pas sûre qu’il en saisisse l’ironie.



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