Récits d'un soldat by Amédée Achard

Récits d'un soldat by Amédée Achard

Auteur:Amédée Achard [Achard, Amédée]
La langue: fra
Format: epub
Publié: 0101-01-01T00:00:00+00:00


IX

Le nouveau guide qu’il m’avait procuré allait droit devant lui comme un cerf, mais l’œil au guet, l’oreille tendue, et profitant des pans de mur, des haies vives, des plis de terrain, des taillis, pour dissimuler sa marche.

– La précaution vous étonne, me dit-il, c’est qu’on a vu des uhlans par ici et ils ne se gênent pas pour mettre leurs pistolets sous le nez des gens.

Nous marchions depuis un assez long temps, lorsqu’au détour d’un chemin creux il me montra du bout de son bâton un bois devant lequel s’élevait un poteau. Un mot écrit en lettres 132

blanches sur un écriteau noir me sauta aux yeux.

– La Belgique ! c’est la Belgique ! Tout en criant j’avais pris ma course. Les sabots ne me gênaient plus.

– Oui, vous y êtes, me dit le guide, qui pénétra sur mes talons dans le petit bois, la frontière est passée ; là est Virton qui est à la Belgique, ici Montmédy qui est à la France. Vous n’avez plus à craindre maintenant que d’être pris par une patrouille belge et interné au camp de Beverloo.

Mais, soyez tranquille, je sais un homme qui saura vous faire traverser les lignes belges à la barbe des chasseurs et des lanciers.

L’homme que nous cherchions, – c’était un garde, – vidait un pot de bière dans l’auberge voisine ; à la vue de mon guide il en fit venir un second, j’en demandai un troisième et la connaissance fut bientôt faite.

Il avait déjà tiré vingt Français des griffes des Prussiens et comptait bien ne pas s’en tenir là.

Après m’avoir fait raconter mon histoire, dont je ne lui cachai aucun détail, il m’engagea à aller me coucher et me conduisit lui-même dans ma 133

chambre. La vue du lit où il y avait des draps blancs me donna subitement envie de dormir. –

Nous partons demain matin à six heures. À cinq heures et demie je vous réveillerai, me dit le garde. Et d’un air gai : Je n’ai pas besoin de vous souhaiter bonne nuit, n’est-ce pas ?

Le fait est que je dormais tout debout. Il faut avoir eu les jambes endolories par de longues étapes, les pieds meurtris, les jointures brisées, le corps épuisé par d’excessives fatigues, et subi des sommeils lourds et pénibles sur la terre humide et dure, pour comprendre l’ineffable sensation d’étendre et d’étirer ses membres dans la fraîcheur des draps. Je m’en donnai la joie pendant un quart d’heure, luttant avec volupté contre ma lassitude. Puis mes yeux se fermèrent, et, bercé par la chanson de quelques buveurs, je ne sentis bientôt plus que la tiède chaleur du lit qui m’engourdissait.

Je dormais encore les poings fermés lorsque, de grand matin, mon guide entra pour me

prévenir qu’une voiture m’attendait à la porte.

– Et je vous jure que nous arriverons à temps à 134

la station où vous pourrez prendre le chemin de fer.

Il s’interrompit pour prendre dans sa poche son brevet de garde particulier des propriétés de M. le comte X., et me le présentant : – Avec ce bout de papier nous irons jusqu’à Bruxelles, reprit-il.



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