Que crève le capitalisme by Hervé Kempf

Que crève le capitalisme by Hervé Kempf

Auteur:Hervé Kempf
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Editions du Seuil
Publié: 2020-08-06T17:24:06+00:00


Marteler les idées dominantes

Outre les outils policier, judiciaire et numérique, la domination continue à s’exercer par les médias et les réseaux sociaux. Rien ne vaut l’obtention de l’obéissance par l’adhésion à des idées qu’on n’aura d’autant moins le goût de contester qu’on n’entend qu’elles en bruit de fond. Le rôle des médias reste donc essentiel. Les mécanismes de contrôle à travers leur appropriation massive par des milliardaires ou groupes financiers et l’assujettissement de leur équilibre économique à la publicité sont assez connus pour que je n’y insiste pas ici (il est toujours amusant de voir des appels désespérés au changement climatique encadrés par des réclames pour de grosses voitures)118. La radicalisation droitière des médias oligarchiques est cependant une tendance forte depuis environ 2010, l’extrême droite ayant désormais pignon sur rue dans de nombreux grands médias qui habituent ainsi lentement l’opinion à un régime raciste et policier.

Le rôle devenu déterminant d’internet enveloppe celui des médias traditionnels, qui s’adaptent tant bien que mal. Il y ajoute en particulier une dimension nouvelle : l’absorption de la sociabilité par les réseaux sociaux amplifie ce qu’avait amorcé la télévision, l’isolement des « consommateurs » d’informations. Transactions électroniques, identifications automatisées, focalisation de l’attention par les réseaux sociaux, font perdre l’attrait de la discussion réelle, que ce soit près de la machine à café, au bistro, lors des réunions familiales ou en manifestation119. La catastrophe écologique renforce cette habituation à se couper du monde sensible : en temps de réchauffement climatique, mieux vaudra être reclus devant son écran quand il fera 40 °C dehors, ou parce qu’on sera confiné en raison d’une nouvelle pandémie, les besoins matériels de base étant satisfaits par des prolétaires – livreurs, magasiniers, ouvriers agricoles…

Pour les propriétaires, le contrôle des contenus sur les réseaux sociaux est plus délicat à exercer que sur les médias. Internet est leur source majeure de profits et il serait dangereux de rendre trop apparents les mécanismes de contrôle. D’ailleurs, les maîtres des réseaux sociaux ont pour premier objectif d’influencer, de manipuler, de pousser à certains comportements profitables. Ils veulent surveiller pour orienter, non pas pour punir. Il n’en reste pas moins que le scandale autour de Cambridge Analytica, cette firme d’analyse des données qui a aspiré des informations sur des dizaines de millions d’abonnés à Facebook pour peser sur le référendum anglais au sujet du Brexit et sur l’élection de Donald Trump, a montré le potentiel de manipulation des réseaux sociaux.

Les opérateurs de réseaux sociaux et de télécommunication jouent du reste un rôle majeur dans l’orientation de l’opinion publique, d’abord parce qu’ils tendent à se constituer eux-mêmes, notamment Facebook, en médias, ensuite parce qu’ils contrôlent souvent directement les médias traditionnels (opérateurs de télécom en France, Jeff Bezos et le Washington Post aux États-Unis). Ils peuvent aussi faire pression sur les médias numériques, puisqu’ils sont en partie sources de leur trafic.

De surcroît, leur puissance s’impose d’elle-même : dans un acte profondément révélateur de sa servilité, l’État français a même imaginé en 2020 confier aux réseaux sociaux le soin de



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