Putain d'Usine by Jean Pierre Levaray

Putain d'Usine by Jean Pierre Levaray

Auteur:Jean Pierre Levaray [Levaray, Jean Pierre]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: L'Insomniaque
Publié: 2002-03-03T00:00:00+00:00


DÉCLENCHEMENT

L’avantage, c’est que je ne vois pas le temps passer, mais après, quand j’arrive chez moi, je suis complètement crevé. François

J’ÉCRIS sur ces moments où on prend du temps au patron, où on tente quelques minutes de se réapproprier un bout de notre vie sur le salariat, pourtant, c’est pas toujours comme ça. Je vous dis pas, mais quand on bosse vraiment, c’est pas une partie de plaisir.

Ça arrive sans crier gare. Une pompe qui lâche, une pompe importante, primordiale. On l’avait signalée comme défectueuse depuis des semaines, mais aucune réparation n’avait été faite. Le chef gardait la demande d’intervention sous le coude. Résultat : c’est aujourd’hui, cette nuit même, à 3 heures du matin (le pire des moments !) qu’elle s’arrête dans un fracas du diable, avec plein de fumée, des flammes et l’arbre cassé. La pompe de secours ne veut pas démarrer et ce sont les événements qui s’enchaînent : le déclenchement.

Salle de contrôle : on se croirait dans un film de guerre. La salle prend des allures de sous-marin qui subit les assauts ennemis. Il n’y a pas de gerbes d’étincelles comme dans les films, mais le cœur y est.

A moitié dans le sommeil, il faut reprendre ses esprits à toute vitesse, le stress complet, l’adrénaline qui monte, les cœurs qui bondissent dans les poitrines. Être efficace, éviter les fausses manœuvres. Les vérines clignotent, les alarmes carillonnent, sonnent, les imprimantes crépitent. Sur les enregistreurs, sur les écrans, les courbes de pressions et de niveaux prennent des formes bizarres et dangereuses. Il faut éviter le pire, éviter qu’il y ait trop de casse. L’atelier est dangereux, il y a du gaz, de l’hydrogène, la catastrophe n’est jamais loin. De par le monde, déjà, quelques ateliers de ce type ont été soufflés par une explosion…

Dehors, il faut s’activer, courir, essayer de décoincer des vannes énormes qui ne veulent rien savoir, arrêter des machines, des compresseurs. Parer au plus pressé, toujours. Mettre l’atelier en sécurité. Et en plus de ça, une pluie très forte nous transperce.

Plus tard, c’est le calme, l’atelier est arrêté. Tout risque semble écarté. C’est presque le silence. La paix. Le problème c’est qu’il faut se floquer la présence des chefs. Ils arrivent, réveillés en pleine nuit, le regard fou, les cheveux en bataille, cherchant qui est responsable de ce qui vient de se passer. C’est quasiment ça le plus pénible à vivre : lorsqu’on les a sur le dos pour n’importe quelle manœuvre. On se débrouille si bien sans eux.

Après les réparations éventuelles (toujours au minimum, on a tellement besoin de produire), il va falloir redémarrer. On sait que ça va se faire dans la difficulté, que le matériel n’est pas fait pour subir des déclenchements, qu’il va y avoir des jours et des jours de stress à nouveau. Ces jours, ces semaines-là, on n’a pas le temps de penser, de réfléchir, on est trop crevés.



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.