Présentation des Haïdoucs - Les Récits d’Adrien Zograffi - Volume III by Istrati Panaït

Présentation des Haïdoucs - Les Récits d’Adrien Zograffi - Volume III by Istrati Panaït

Auteur:Istrati, Panaït [Istrati, Panaït]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Littérature Roumaine
Éditeur: Feedbooks
Publié: 1925-09-17T22:00:00+00:00


Le han était plongé dans le sommeil. Aucune lumière, aucun signe de vie. Une pluie fine, qui durait depuis la veille, avait détrempé le sol boueux. La maison du malheur, blanche comme la neige, posait une tache de pureté criminelle sur un fond de deuil céleste. Les grands avant-toits déployaient leurs ailes noires et humides, celles d’un oiseau de proie monstre abritant une couvée funeste, alors que les balcons en bois dur s’alignaient sur le blanc des murailles comme des ventres prêts à accoucher d’une fourmilière d’agas et d’évêques capcaounes.

Jamais notre han ne m’avait paru à ce point sinistre. Je frémis à l’idée d’être venu au monde et d’avoir grandi dans cette maison. Cela a-t-il été un acte de la justice divine que le sort réservé aux enfants et petits-enfants de ce père qui voulait faire le bonheur des siens en fermant les yeux sur des crimes profitables ?

Nous prîmes les précautions les plus sévères. Le han était situé à l’encoignure du plateau que le grand fossé semi-circulaire de la ville crée en aboutissant au Danube, extrémité Karakioï. Les chevaux furent cachés dans le fossé et laissés sous la garde de quatre hommes.

La pente du plateau est, dans cet endroit, très rapide, mais elle a l’avantage d’être couverte de ronces et de genêts qui permettent de la gravir en se cramponnant. Nos hommes s’embusquèrent dans ces broussailles, échelonnés sur le bord qui avoisine le mur de la maison. Au loin, le port dormait. Seul, un Turc amoureux chantait tristement sur le pont d’une caravelle invisible. De ce côté nous ne craignions rien. Du côté de la cité, en revanche, le danger était grand, car la police de l’aga veillait assidûment pendant que son maître s’amusait. Heureusement pour notre entreprise, le mauvais temps nous vint en aide. Les chaouches, réfugiés sous quelque portail à toiture, grelottaient comme des chiens mouillés, en lâchant, faiblement, leurs hep, hep monotones. Mais Cosma, avec son audace inouïe, alla carrément converser avec un d’eux, l’entraîna vers un autre, sortit de l’eau-de-vie. Nous bûmes de compagnie. Puis, rien que nous deux au milieu de ces loups, nous continuâmes notre promenade dans le quartier et rassemblâmes encore quelques gardiens de nuit, auxquels Cosma parla gaiement, versa à boire. Une garde, roumaine celle-là, cria, pas bien loin de notre groupe, son mot de ralliement :

– Je te vois ! je te vois !

Cosma lui répondit, au milieu de l’hilarité des chaouches :

– Tu ne vois rien du tout : je fais caca ! Viens plutôt boire un raki, allons !

L’homme sortit de son embuscade, vint nous rejoindre, rit et but. Enfin, poussant de l’épaule la porte contre laquelle il se trouvait appuyé, et qui était celle où habitait un ami fidèle, Cosma dit :

– Et si on se chauffait un peu à l’abri ! Ce ne serait pas mieux ?

Les cinq gardiens nous suivirent, reconnaissants. Nous nous vîmes dans une grande tinda[49], devant notre bon Ibrahim qui nous souhaita à tous une « santé perpétuelle ». Il jeta quelques



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