Première by Megan Abbott

Première by Megan Abbott

Auteur:Megan Abbott [Megan Abbott]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Thriller
Éditeur: JC Lattès
Publié: 2022-03-31T08:54:04+00:00


Le coup monté

C’était le cafard de 4 heures du matin, la chaudière qui produisait un bruit métallique.

Incapable de trouver le sommeil, Dara s’était lancée dans la fouille des cartons froissés, tapissés de moisissure, entreposés au sous-sol, butant contre la lourde caisse à l’odeur âcre qui contenait le vieux matériel de hockey de leur père, les crosses en bois gondolées, les maillots aux couleurs délavées, encore durcis par des années de sueur.

Manquant de trébucher sur une vieille boîte d’archives, elle posa les pieds sur une masse de cheveux humides et faillit pousser un cri. Mais ce n’était que la vieille couverture en fourrure de lapin de leur mère, qui rampait hors d’une penderie en carton détrempée qui avait basculé sur le côté.

Dara se figea. Elle ne se souvenait pas de l’avoir rangée là. Était-ce Marie ? Elle se pencha pour la ramasser. Son odeur était écœurante, à la fois familière et oubliée.

Leur mère avait un tas de traditions liées aux fêtes : asperger la barre d’eau bénite avant le premier cours de la nouvelle année, fabriquer des guirlandes de popcorn et de cranberries avant la messe de minuit, et manger de la brioche et du sucre au lit si vous étiez malade.

Mais leur rituel préféré avait lieu chaque année après la dernière de Casse-Noisette.

La fin d’un parcours éreintant, une douzaine de représentations au moins, et des rôles de plus en plus conséquents chaque année pour Dara et Marie, successivement souris, invitées, arlequins et fleurs. Aucune des deux n’avait jamais interprété Clara car cela aurait été injuste, affirmait leur mère.

(Et mauvais pour les affaires, comprit Dara plus tard.)

Vers 23 heures ou minuit, leur père étant invariablement sur la route ou endormi dans son fauteuil, en bas, devant des films d’horreur qui tremblotaient sur l’écran de la télé, elles rentraient du Centre Ballenger, traversaient la maison sur la pointe des pieds, suivaient leur mère jusque dans la chambre parentale, ôtaient leurs couches de vêtements collants, leurs yeux noircis comme des ratons laveurs, leurs pieds enflés, le rouge aux joues.

Ongles noirs, peau violacée, chair grêlée. Les jambes douloureuses glissées dans la glace ou les pieds lézardés trempés dans le bain de bouche, enduits d’arnica, puis les muscles palpitants sanglés dans du film alimentaire.

Plus de costumes de souris étouffants, fini de ramper sous la crinoline de la Mère Gingembre.

Plus de fausse neige dans ma bouche et dans mon nez !

Plus de Clara qui minaude et de visage larmoyant !

Elles se recroquevillaient sur le lit de leur mère, buvaient du lait de poule lentement chauffé sur la cuisinière et regardaient des vidéos de vieux spectacles de Casse-Noisette sur le téléviseur noir et blanc portatif. Le dernier étant toujours celui où leur mère en personne incarnait Clara, à douze ans, au cours de la saison chérie de l’Alberta Ballet.

Leur mère exhibait alors cette couverture en fourrure, celle que Dara venait de retrouver – humide et musquée – par terre dans le sous-sol. Elle la sortait de sa valise en velours, expliquant qu’elle avait jadis appartenu à sa propre mère et était faite d’authentiques lapins bleus de Vienne.



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