Pierre Cauchon : Comment on devient le juge de Jeanne d'Arc by Favier Jean

Pierre Cauchon : Comment on devient le juge de Jeanne d'Arc by Favier Jean

Auteur:Favier, Jean [Favier, Jean]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Histoire
Éditeur: Fayard (Librairie Arthème)
Publié: 2010-08-31T22:00:00+00:00


Une France anglaise ?

La longue séquelle de leurs engagements conduisait les maîtres à accepter l’arrivée au pouvoir des Anglais, ou plutôt d’un gouvernement auquel la reine Isabeau donne un semblant de continuité et auquel la forte personnalité du régent Bedford évitera bien des maladresses. Pour commencer, Bedford se garde d’appeler à ses côtés trop d’insulaires. Aux yeux du Parisien, et notamment de l’universitaire, le gouvernement ressemble surtout à un gouvernement des anciens partisans de Bourgogne. Il en va ainsi de l’administration, de la justice ou des finances. On ne voit pas un Anglais au Parlement, aux Comptes, aux Aides ou au Trésor. Responsable de l’ordre public, le prévôt de Paris est un Français, tout comme le capitaine de Paris. À bien des égards, parler de France anglaise est abusif.

Ce qui est vrai, c’est que l’aristocratie anglaise se pavane à Paris et que le Parisien a l’impression d’être gouverné par les Anglais. Menant « le plus grand état de vêture et de joyaux », comme l’écrit le Bourgeois de Paris, les grands comme Bedford, Beaufort, Salisbury ou Suffolk font impression, et l’on ne s’étonne pas qu’ils aient des insulaires comme écuyers ou secré taires. Mais Cauchon n’est pas au Conseil le seul Bourguignon, Philippe de Morvilliers règne sur le Parlement et Simon Morhier gouverne le Châtelet.

Si les garnisons anglaises sont nombreuses dans les villes de Normandie et d’ailleurs, elles sont maigres à Paris. Au fort de ce qu’on appelle la domination anglaise, en novembre 1430, le chevalier banneret John Fastolf, futur sénéchal de Normandie et pour l’heure maître d’hôtel et conseiller de Bedford, et depuis 1421 capitaine de la bastide Saint-Antoine que l’on appellera la Bastille, ne disposera pour tenir la principale forteresse de la capitale que de huit hommes d’armes et dix-sept archers. Son successeur Thomas More aura neuf hommes d’armes et vingt-huit archers. Cela veut dire qu’il y a de trente à quarante soldats anglais pour garder la Bastille. On peut avancer qu’ils sont quelque deux cents dans tout Paris. Même s’il en est quelques-uns pour garder Vincennes ou pour tenir le pont de Saint-Cloud, il n’y a pas là de quoi alimenter chez les maîtres quelque résistance nationale que ce soit.

D’ailleurs, les gens du Moyen ge n’ont guère, jusque-là, conçu l’idée d’une armée nationale. On a vu tout au long de la guerre de Cent Ans se succéder des armées anglaises ou navarraises qui étaient gasconnes quand elles n’intégraient pas des archers gallois pour affronter une armée française dont les arbalétriers étaient génois, et l’Italie a connu des armées pontificales qui étaient commandées par un chevalier angevin ou peuplées de soldats bretons. Pour la population, le soldat est une catastrophe en soi, et l’on prend son parti de ne pas comprendre sa langue. Jeanne d’Arc ne manquera pas d’affirmer que les saintes Catherine et Marguerite ne comprennent pas cette langue. Maîtres et étudiants n’auront sans doute sur la rive gauche rencontré d’Anglais non écoliers que par hasard dans les tavernes où, parce que soldats et non parce qu’Anglais, ils font grand bruit.



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