Pièces détachées by Westlake Donald E

Pièces détachées by Westlake Donald E

Auteur:Westlake, Donald E. [Westlake, Donald E.]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Policier, Nouvelles
Publié: 1999-10-14T16:00:00+00:00


On ne badine pas

avec la mort

Harry Chesterton, le meurtrier, inspecta une dernière fois avec grand soin la scène du crime. Tout était bien en place et parfaitement en ordre. Myriam était allongée à plat ventre sur le carrelage de la salle de bains, la tête sous le lavabo. La descente de bain, la serviette-éponge, le savon, le gant de toilette et l’éponge, tout était à la place prévue. Les ciseaux tachés de sang gisaient sur le sol près du coude droit de Myriam. Elle serrait encore dans sa main droite le grand couteau à pain.

Parfait. Tout était parfait.

Harry eut un petit signe de tête de satisfaction et quitta la salle de bains en refermant la porte derrière lui. Il suivit le corridor jusqu’à sa chambre où il se déshabilla, revêtit sa robe de chambre de velours et revint en sifflotant vers la salle de bains. En passant devant la porte de la cuisine il cria, à voix assez haute pour être entendu au cas où un voisin serait occupé dans la cour intérieure de l’immeuble ou à proximité de sa fenêtre ouverte ; « Ne fais pas couler d’eau chaude pendant quelques minutes, Myriam ! Je vais prendre ma douche ! »

Il fit encore un signe de tête, se remit à siffler et entra dans la salle de bains, dont il referma la porte sur lui. Il enjamba le cadavre de Myriam, toujours dans la même position, et qui continuait à saigner tranquillement sur le carrelage, puis quitta sa robe de chambre. Il ouvrit le robinet de l’appareil, régla la douche à la force et à la température désirées, entra dans le tub et tira le rideau derrière lui. Puis il se savonna vigoureusement en chantant à tue-tête.

Il était heureux, délicieusement heureux. Après trois années entières de plans laborieusement et minutieusement dressés mais rejetés l’un après l’autre, Harry Chesterton avait enfin trouvé pour tuer sa femme le seul moyen ressemblant le plus à un mécanisme indéréglable.

À toute épreuve, c’était absolument à toute épreuve. À présent Myriam était morte. Après un certain laps de temps que la décence exigeait pour le deuil – une marge de sécurité en somme –, il épouserait sa douce petite Cathy, qui jamais, non jamais, c’est sûr, ne deviendrait l’agaçante, la querelleuse à la voix criarde que Myriam était devenue en sept ans de mariage. « Quand donc vas-tu te décider à trouver une place stable, Harry ? Quand renonceras-tu enfin à tes stupides projets qui doivent, paraît-il, t’enrichir en moins de deux ? Quand prendras-tu un emploi décent, Harry ? Les grands magasins ont encore téléphoné pour réclamer le règlement de la facture du mobilier, Harry ; ils menacent de reprendre les meubles. Que penses-tu faire, que vas-tu leur dire, Harry ? Tu peux t’estimer heureux que tes fameuses combinaisons ne t’aient pas encore conduit en prison, Harry, ah ! tu peux t’estimer heureux, c’est tout ce que je puis te dire. »

Comme c’était juste, ce qu’elle disait là. C’était bien en effet tout ce qu’elle savait dire.



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