Photos volées by Fabre Dominique

Photos volées by Fabre Dominique

Auteur:Fabre,Dominique [Fabre,Dominique]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Lit. française
Éditeur: Olivier
Publié: 2014-08-25T22:00:00+00:00


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Le soir, de temps en temps, il m’arrive de ressortir quand je ne peux pas dormir. J’avais moins souvent besoin de le faire quand je travaillais. Dans ma tête, ce job à la Chaussée d’Antin n’était qu’un pis-aller, un emploi temporaire avant d’en choisir vraiment un, mais bon. Ça ne s’était pas passé comme ça. À plusieurs reprises j’ai essayé de me rappeler des faits marquants, mais il ne me restait à peu près rien, ou à peine plus que rien. Ce rien avait duré plus de dix ans. Je me balade, je vais vers la gare d’Asnières du côté du centre-ville, pas mal de gens sortent du tunnel sous les voies. Ces gens sont plus jeunes que moi, la plupart du temps. Je regarde les films qu’ils passent à l’Alcazar, je n’y suis pas allé depuis longtemps. Le cinéma, ça va quand on est accompagné, ou bien il faut être cinéphile et hanter la cinémathèque comme François le faisait, par périodes, entre deux charrettes dans son cabinet d’archi. Il est sur les photos de ceux de la colline à Sèvres, dans la grande maison. Je passe pas mal de temps à gamberger. Je ne pense pas à François, je ne pense à rien de ma vie, je ne pense même pas à Élise, mon amour pour elle, il m’arrive parfois d’en douter. Ai-je aimé cette femme ou son image ? Pourquoi ne lui ai-je jamais dit que je voulais vivre avec elle, pourquoi ai-je été soulagé de ma tristesse quand elle a choisi de vivre avec Thierry ? Je marche, j’ai 58 ans passés, je vis dans un petit trois pièces et j’ai une vieille voiture, je pourrais bien m’en acheter une autre. Dans quatre ou cinq années, je devrai peut-être vivre avec moins que le smic ; j’avance dans la nuit, du côté de Maurice-Bokanowski. Parfois, je prends un appareil photo, je préfère le Nikon pour mes balades de nuit avec une pellicule 800 asa, je n’utilise pas trop le flash. J’aime les silhouettes qui ne sont plus que de l’ombre, les effets de bougé, de tremblé dans les photos des rues où tout le monde est chez soi, endormi ou devant la télé. Nous aurions une autre vie si nous avions décidé d’éteindre nos télés, mettons trois fois par semaine, quand il en était encore temps. François parlait de ça, parfois, il pensait à des choses comme ça qui nous enthousiasmaient, en tout cas moi. Aujourd’hui, depuis que j’ai tout ce temps à user, il est celui dont je me sens le plus proche, plus que de ma mère et ma femme, plus que d’Élise quand je reste trop longtemps sans la voir et retourner le couteau dans la plaie, celle que je ressens encore ou que je me suis aménagée exprès pour ne pas mourir complètement idiot. Lui n’est plus là, et c’est peut-être pour cette raison ?



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