Philosophie morale by Vladimir Jankélévitch

Philosophie morale by Vladimir Jankélévitch

Auteur:Vladimir Jankélévitch
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Flammarion
Publié: 2018-05-03T04:00:00+00:00


« N'approfondis pas le bonheur » avait, selon van Lerberghe, recommandé le Seigneur à Eve, l'habitante du jardin innocent. Mais pourquoi faut-il que la connaissance du Bien et du Mal soit un péché ? Oui, pourquoi cette contradiction ? L'idée d'une mauvaise science n'est-elle pas elle-même le mal ? Une malédiction bizarre veut que la perte de la limpidité soit la rançon payée pour le retour de conscience. Il est vrai que, comme l'implique la double science elle-même, le pécheur reconnaît dans le mal un corrélat antithétique du bien et a gardé, avec le regret de la pureté perdue, l'idée de la marge qui l'en sépare : mais la pureté n'est plus son être, elle est simplement devenue son idéal. Le processus est donc irréversible et irrémédiable, et c'est ce que nous suggèrent mythiquement les chérubins postés à l'entrée du jardin d'où l'homme est à jamais exclu, où l'homme jamais ne reviendra. Un seul Oui, chuchoté furtivement par la créature séduite, – et tout est consommé ! Qui a découvert une fois ce qu'il ferait bien mieux d'ignorer, qui a conçu une seule fois, une toute petite fois la possibilité du mal, celui-là a cessé à jamais d'être pur ; quand bien même il se réhabiliterait séance tenante, il ne pourrait faire que l'idée du mal ne lui soit venue tout à l'heure ; personne en effet ne peut faire que ce qui a été fait n'ait pas été fait, que le « factum » soit « infectum », personne ne peut anéantir le fait-d'avoir-fait (« fecisse ») ni, alors même qu'on en effacerait toutes les conséquences empiriques, annihiler la faiblesse à la faveur de laquelle nous cédâmes un jour au tentateur : cette tache métempirique, qui tient au pur fait de l'avoir-eu-lieu, cette tache est indélébile, ineffaçable, et résiste à toutes les lessives de la pénitence et de la catharsis. C'est pourquoi, une fois franchi le cap du faiblissement initial, une fois introduit dans la place le premier Autre qui fait du Pur un être mélangé, du Simple un être compliqué, une fois admis le mal qui est l'allogène irréductible et inassimilable, ce qui suit n'a plus tellement d'importance ; ce qui suit est le simple déroulement des conséquences d'une première altération ; dès l'instant que la conscience a fait le saut qualitatif du péché, tout est joué : le reste n'est que multiplication quantitative et prolifération matérielle, pullulement et foisonnement ; un peu plus, un peu moins…, c'est une question de combien, mais ce n'est pas une question métempirique. Le nombre de la quantité et le chiffre de la grandeur n'aggravent plus l'intention, bien qu'ils en corsent les conséquences. Le oui de la faute ressemble, toutes proportions gardées, à une idée de génie dont l'inventeur abandonne dédaigneusement l'exploitation et les applications aux imitateurs. Ainsi s'explique la solennité de la Première Fois, qui déclenche la cataracte des autres fois, la solennité du premier pas, qui est une initiation au mouvement, de la première parole et du premier sourire de



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.