Phénomène futur by Rolin Olivier

Phénomène futur by Rolin Olivier

Auteur:Rolin, Olivier [Rolin, Olivier]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Seuil
Publié: 2015-12-01T23:00:00+00:00


(Ô Lord, vous savez, vous, combien me coûte cette descente du fleuve d’ambre jusqu’à l’estuaire du jour, quels efforts je dois faire, comme véritablement broyé par la tempête, pour ramener droite la barre de ce bateau vivant, encore un peu, aux mâts couchés, dans une bouteille… Aucune de ces lignes emmêlées, confuses, qui ne pèse son degré, son bon degré palpitant, dévorant : degrés menant au centre bandé du cratère : poche bombée, gonflée à bloc, marbrures fumantes, la gigantesque tumeur, absolument vernissée, avec des friselis violet verdâtre partout : on en voit des comme ça au Muséum. Parce que évidemment le volcan est là-dedans, aussi là-dedans : carapace de verre fragile, de vieille peau scarieuse, halitueuse. Comme une image intime des grandes forces de la Terre. Et l’éruption, eh bien ce sera quand je rendrai ma gorge comme une pieuvre retournée. Ça ne saurait tarder, je pense : une main dans la ceinture de ma robe de chambre, quelle violente, battante poussée a-t-elle à contenir… Le tout est de tenir jusqu’au point dernier, l’assomption du blanc, le lever du jour gladiateur sur le corps retourné de l’Éthiopienne. Je n’aurai pas fait grand-chose d’autre que témoigner : au moins. Mais je veux croire que cette petite onde, parabole, en atteindra quelques-uns à venir, les secouera bizarrement, sera leur meilleur et leur pire hasard. Ainsi tout n’aura pas été dit. En attendant… Cette descente irradiée, lentement développant l’araignée du corps intérieur, l’œsophage planté comme un mât de lumière roide sur le vieux vaisseau-fantôme… And a seventh age passed over, And a state of dismal woe…

Témoigner : comme les mots viennent avec de longs relents d’huile, de profonde huile, extrême, douloureux ambre gris. Ça y est, ça y est, ça va s’arrêter là, plus possible d’en sortir une, de ligne, de page : ça n’est pas possible, les yeux en tourbillonnent, les doigts s’enfoncent au creux des yeux, avides d’en sortir quelque chose, il doit bien y rester collée une vieille cendre, oh, presque rien, le contenu d’une poivrière… ou bien de faire sauter la base du nez, d’ôter ces lunettes de chair, et que des fontaines jumelles jaillisse le flot raréfié, retenu. J’ai la mémoire comme une sinusite, mes chers…

Balancier, éclat jaune mouillé, éclat de bière, déclenchement de l’ancre comme un cran de revolver, éclat, déclenchement. La dernière ancre qu’on jette avant de faire côte s’appelle ancre de miséricorde : une gravure au mur, en taille-douce, ai-je oublié de la mentionner, représente une scène de ce genre-là : The Fighting Temeraire struck on the Seven Pillars. Roulements lointains, espacés, de voitures, auxquels font écho les chuintements à clapets de mes caoutchoucs intérieurs : tabac. Agréable, il faut le reconnaître, de faire ronfler le petit orgue intime. Une grande épaisseur de silence, malgré tout, au point que le grincement de la plume… impression que c’est le bruit des étoiles raclant lentement la vieille voûte. Oui, ce monde est fatigué. Lorsque j’étais étudiant, on lisait beaucoup de livres. Maintenant, il n’y a plus



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