Peace and Death by Patrick Cargnelutti

Peace and Death by Patrick Cargnelutti

Auteur:Patrick Cargnelutti
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Jigal
Publié: 2017-01-15T00:00:00+00:00


Chapitre 14

Lundi 28 octobre 1968 - Port de Québec - 1h10

Aux mâts de voiliers fantomatiques, faiblement éclairés, rangés méthodiquement le long des quais d’une marina, succèdent d’immenses entrepôts à coup sûr bourrés de marchandises précieuses à en voir les lourdes serrures et cadenas qui en gardent les vantaux.

Le paysage ruisselle sur les glaces arrière et Colette imagine autant qu’elle distingue les formes qui se présentent le long de cette avenue.

La silhouette d’un énorme vraquier, illuminé, en train d’être empli de grain, barre la vue vers le môle qui serait resté invisible de toute façon, masqué par la densité de l’averse. Çà et là, des panneaux jaune et noir interdisent une direction, en rendent une autre obligatoire. Des plots de béton signalent la fin d’une voie ferrée.

Les rails s’arrêtent net, comme coupés dans leur élan, foudroyés par on ne sait quelle décision divine. Puis, des immeubles de bureaux, encore des lieux de stockages, un magasin d’accastillage, des files de camions garés à la queue leu leu, attendant sans doute le matin pour être chargés et filer vers d’autres cieux.

Colette s’imprègne de tout ce qu’elle peut malgré la mauvaise visibilité, ce petit jeu lui évite de penser.

Son père leur faisait déjà compter les voitures, les vaches, les nuages en forme d’animaux et les maisons aux toits rouges ou couvertes du gris des ardoises, lorsque la famille prenait le train pour rendre visite à son oncle et sa tante qui habitaient Paris, afin de tromper leur impatience enfantine et les sempiternels « on arrive bientôt ? » qu’ils commençaient à lancer à peine partis.

Elle se rappelle les formidables bielles des locomotives fumantes, les gémissements des freins et les sifflements de vapeur. Les mécaniciens couverts de suie et de cambouis qui frappaient parfois les roues d’une espèce de grosse clé à molette, l’odeur d’huile chaude, de charbon, le grouillement des voyageurs et l’air martial du chef de gare avec son beau drapeau rouge.

Elle fronce le nez en pensant à la saleté des compartiments de seconde classe aux banquettes vertes ou grises, l’odeur âcre de tabac brun et les volutes de fumée suffocantes qui emplissaient les couloirs.

Avec nostalgie, elle revoit Pierre s’agiter, passer en courant d’un wagon à l’autre ou slalomer entre les voyageurs, lutin agaçant et piaillant, mimant déjà de terribles batailles dont il était le héros invincible.

Il s’écroulait soudain en hurlant dans le couloir, une main posée théâtralement sur le cœur, aux pieds des contemplatifs rivés aux fenêtres grandes ouvertes, occupés à regarder des ruminants impassibles, des ruisseaux ou des départementales désertes.

Les passagers devisaient, s’amusaient de peu comme, se souvenait-elle, ce tracteur fumant, la remorque pleine jusqu’à la gueule s’échinant à grimper une côte trop pentue pour lui, soudain dépassé par un cycliste du dimanche ravi d’avoir un point de mire dans ce passage difficile.

Le sportif amateur était aussitôt surnommé Fausto Coppi par le grand monsieur chauve à la grosse voix ou Jean Robic par le type avec une moustache de Gaulois, sans doute selon le degré de chauvinisme du spectateur, le style du gars sur la bicyclette ou sa morphologie.



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