Paris-Berlin : la survie de l'Europe (French Edition) by Édouard Husson

Auteur:Édouard Husson [Husson, Édouard]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: amazon
Publié: 2020-05-01T01:22:31.709708+00:00

LA CHANCELIÈRE COMME LE PAPE ?

Je vais revenir sur tout ce qui oppose Angela Merkel et Joseph Ratzinger. Mais force est de constater une ressemblance inattendue entre les deux personnes : si différents soient leurs responsabilités et leurs tempéraments respectifs, ils ont, dans les mêmes années, préféré le système de la « grande coalition » à celui de la responsabilité pleine et entière du chef. On raconte que, le soir des élections au Bundestag de 2013, Angela Merkel a eu soudain peur que la CDU, avec 41 % des voix, ait obtenu la majorité des sièges au Parlement. Elle n’avait aucune envie de gouverner en assumant, seule avec son parti, la responsabilité du pouvoir. Elle a été très soulagée lorsqu’elle a su que la CDU et la CSU n’auraient pas la majorité des sièges : et comme les libéraux s’étaient effondrés, elle est revenue à une « grande coalition » avec le SPD. C’était quelques mois après la démission de Benoît XVI se désignant lui-même comme pape émérite. Tout se passe comme si nous étions arrivés à un moment où la culture politique allemande conduisait systématiquement des individus en position de leadership à refuser de l’exercer.

Il s’agit bien entendu de la culture politique d’après le nazisme. Un régime politique allemand a poussé si loin la folie du pouvoir que les générations d’après cherchent à tout prix un moyen de contrôler tout pouvoir exercé par un Allemand. Dans le cas de Benoît XVI, il y a, à un bout, la fidélité au catholicisme le plus traditionnel – et il est bien vrai que la forte pratique religieuse de l’Allemagne catholique, au début des années 1930, explique largement les scores bien plus bas des nazis dans ces régions. Mais il y a, à l’autre bout, le refus du pape des années 2005-2013 d’être, pour finir, autre chose qu’un « pape émérite ». Dans le cas d’Angela Merkel, on a plutôt assisté à un curieux mélange de pouvoir personnel et de recherche à tout prix des grandes coalitions. On ira même plus loin dans l’analyse en faisant remarquer que, durant tout le temps où Benoît XVI a été pape en fonction, il a exercé une sorte de contre-pouvoir, de modération de l’ordo-progressisme d’Angela Merkel. Après son retrait, la chancelière a été guettée par la démesure. Il nous faut entrer plus avant dans cette histoire.

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