Obsèques by Christensen

Obsèques by Christensen

Auteur:Christensen
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: JC Lattès
Publié: 2013-01-14T16:00:00+00:00


BABY, YOU’RE A RICH MAN

C’est encore moi !

Car je ne lâche pas Kim Karlsen de vue. Nous sommes beaucoup à nous soucier de lui. Bien que dans le fond je sois le seul. Cette dégaine qu’il se paye… J’avoue que je ne pourrais pas faire sans lui. Moi qui suis aveugle et intègre. Moi qui ai un regard impossible et acéré. Ça je l’ai déjà dit. Faites gaffe à votre matricule, tous autant que vous êtes. Personne ne m’échappe avant qu’il ne soit trop tard.

Kim Karlsen a donc été confié aux bons soins du loyal et radin capitaine.

La traversée, qui s’est déroulée en toute sécurité comme d’habitude avec lui, est à présent terminée.

Kim Karlsen peut donc être débarqué au premier ponton venu.

Il est l’unique passager parmi des milliers, précis et retardataire, intemporel et définitif comme il est d’ordinaire, et sans autre bagage que celui qu’il porte.

Le ferry, baptisé Le Prince, rebrousse chemin sans personne sur le pont et glisse parmi les plaques de glace qui dérivent dans le brouillard rouge entre le fjord et la ville, cependant que le capitaine joue à pile ou face, obtient pile, grâce à quoi il peut gratter les chiffres de la lune.

Il fait si doux par ici. Si doux que vous seriez les premiers à vous faire pigeonner.

Le ponton tangue sur les piliers tout de vert vêtus.

Le vent s’accote contre les défenses constituées de pneus énormes ayant arrêté leur course pour protéger les embarcations.

Kim Karlsen continue la sienne.

Le soleil avance sur ses talons et diffuse une lumière basse sur le sol et le feuillage.

Il entend des rires et des marmonnements, des soupirs et des gémissements de plaisir, quoi qu’ils puissent signifier, si vous comprenez ce que je veux dire.

Kim Karlsen s’arrête finalement lui aussi, à l’instar des défenses contre le ponton, qui ne sont pas des corps morts mais le châssis du ciel, le capot des étoiles. Il jette un regard alentour. Non, fausse alerte, il ne s’arrête pas. Ce sont uniquement ses pas, d’une lenteur telle que ses pieds ne paraissent plus. Ils étincellent au contraire puisqu’il patauge dans l’argent. Regarder autour de lui, en revanche, ça il sait faire. Sur les rochers, au bout de l’anse étroite, des femmes sont étendues sur des matelas pneumatiques bleus. Elles ont une poitrine opulente, un corps plantureux, et ne portent quasiment rien. Elles dorment dans le soleil. À intervalles réguliers, elles se réveillent, se redressent à peine et s’enduisent d’une sorte de crème qu’elles puisent avec les doigts dans une boîte ronde et bleue. Elles donnent l’impression de se caresser, les unes comme les autres, côte à côte, dans de lents et d’incessants mouvements ; toujours est-il qu’elles semblent y prendre plaisir. Un autre détail fait sourire Kim Karlsen : combien de mains ont-elles en réalité ? Il n’y a pas un endroit de leur corps qu’elles n’atteignent pas : le dos, les fesses, elles s’affairent jusque dans l’entrejambe, avec une simplicité enfantine. Après quoi elles se rallongent sous le soleil. Elles ne connaissent que la volupté et ignorent tout du danger dans leurs formes rebondies.



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