Nager avec les piranhas by Michel Onfray

Auteur:Michel Onfray
La langue: fra
Format: epub
Tags: MICHEL ONFRAY Nager avec les piranhas Carnet guyanais Michel Onfray s’est enfoncé dans la région de Guyane où vit le peuple amérindien des Wayanas. Cette population, installée sur les rives de cours d’eau, est menacée de destruction par la pénétration des instruments de la modernité occidentale. Dans cet immense territoire, la France impose une loi jacobine qui ne correspond à aucune réalité locale. Ainsi, les peuples dits premiers sont, par la faute de l’électricité, d’Internet, de la télévision et du centralisme républicain, devenus des peuples derniers. Ils ont perdu jusqu’à la mémoire de leurs pratiques de pêche et de chasse. Le phénomène des suicides d’enfants qui se multiplient là-bas en est une des terribles conséquences. Nager avec les piranhas poursuit brillamment la réflexion que Michel Onfray mène depuis plusieurs années sur la manière dont les civilisations prospèrent sur les décombres de celles qui les ont précédées, avant de mourir à leur tour inéluctablement. Né en 1959, Michel Onfray est docteur en philosophie. Après avoir enseigné pendant vingt ans dans un lycée technique, il démissionne de l’Éducation nationale en 2002 pour créer l’université populaire de Caen. Il est l’auteur de près de quatre-vingt-dix ouvrages traduits dans une trentaine de pays
ISBN: 9782072723124
Éditeur: Editions Gallimard
Publié: 2017-10-09T00:00:00+00:00

II

PHILAMINTE & BÉLISE SONT EN PIROGUE…

SUR UN RAPPORT PARLEMENTAIRE

Les enfants de Guyane se suicident entre dix et vingt fois plus qu’en métropole. L’État français a missionné deux parlementaires pour pondre un rapport intitulé Suicide des jeunes Amérindiens en Guyane française. Trente-sept propositions pour enrayer ces drames et créer les conditions d’un mieux-être (novembre 2015) – on appréciera la concession faite au politiquement correct du mieux-être… La sénatrice écologiste de Seine-Saint-Denis Aline Archimbaud et la députée socialiste d’Ille-et-Vilaine Marie-Anne Chapdelaine ont accouché de cette indigeste prose qui aurait probablement donné à Molière l’idée d’une suite à ses Femmes savantes.

Constatant que ces suicides sont en rapport avec la schizophrénie qui travaille ces peuples, Philaminte & Bélise concluent qu’il faut nourrir l’animal qui dévore les enfants. Puisque ce qui produit les suicides s’enracine dans le double monde contradictoire de la tradition et de la modernité, favorisons donc la tradition en même temps que la modernité ! Que les hommes chérissent les causes dont ils déplorent les effets est une vieille idée qui reprend du poil de la bête en nos temps nihilistes, le rapport des deux dames illustre ce travers de notre époque.

La communauté amazonienne est aujourd’hui forte de dix mille personnes. Ces peuples vivent en Amazonie, à sept mille kilomètres de Paris, depuis l’époque de Périclès. Ils sont répartis sur les huit millions de kilomètres carrés de la forêt. La France a imposé sa loi jacobine à des peuples qui vivent aux antipodes de la civilisation occidentale. Aujourd’hui encore, cette France ne répond au malaise guyanais qu’avec une solution parisienne, jacobine, centralisée, autrement dit administrative et bureaucratique.

Ainsi, les dames sachantes déplorent que les « populations de la forêt et des fleuves, en Guyane française, sont quasiment les dernières en France à être privées la plupart du temps d’eau potable, d’électricité, d’accès au téléphone et à l’Internet ». De la même manière que, jadis, chez Lénine, le bonheur des peuples européens passait par le soviet + l’électricité, celui des Amazoniens passe désormais par la préfecture + Internet…

Car, il suffirait de lutter résolument contre les orpailleurs qui polluent gravement le fleuve et intoxiquent ceux qui s’y baignent tous les jours pour obtenir la source d’eau potable naturellement disponible. Que l’idée n’en soit pas venue à l’élue écologiste ne m’étonne pas ! Il suffit de monter ou descendre le fleuve en pirogue ou de regarder par la fenêtre de l’avion qui conduit au cœur de la forêt pour savoir où sont les chercheurs d’or qui ravagent l’eau, la faune et la flore avec leur mercure déversé en quantité pour mener à bien leurs forfaits. Puis de les en empêcher. La police et la gendarmerie françaises du gouvernement qui se goberge de la COP 21 disposent là d’une possibilité concrète d’agir pour la planète en même temps que pour ces peuples.

La socialiste de l’Assemblée nationale et l’écologiste du Sénat proposent de « réduire (sic) la contamination mercurielle » par une diversification de l’alimentation, notamment en augmentant la part des produits industriels pour faire baisser celle des produits contaminés du fleuve.

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