À la recherche des Phéniciens by Crawley Quinn Josephine

À la recherche des Phéniciens by Crawley Quinn Josephine

Auteur:Crawley Quinn Josephine
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: La Découverte
Publié: 2019-07-09T12:35:54+00:00


L’Afrique romaine

Il y a sans conteste un chevauchement entre les suffètes, les tophets et l’usage de la langue punique dans les cités de l’Afrique romaine : une offre groupée d’institutions, que beaucoup de communautés africaines adoptèrent comme un tout, dans le cadre d’un ensemble local plus complexe et plus vaste de traditions linguistiques, administratives et religieuses. Cette offre groupée n’était pas une survivance de la période préromaine, même dans les colonies levantines autoproclamées de la côte phénicienne moins concernées par ces institutions que leurs voisins africains. Leptis avait des suffètes et pratiquait le punique, mais n’avait pas de tophet88, tandis qu’à Sabratha, à l’ouest, supposée être une autre colonie tyrienne, on trouve de nombreuses inscriptions puniques, mais on n’a pas de preuve de suffètes ; quant au tophet créé au IIe siècle av. J.-C., il ne contient que des cendres d’animaux89. Cette tradition phénicienne occidentale superficielle était récente à Sabratha, elle la partageait davantage avec des communautés autochtones disséminées dans toute l’Afrique du Nord qu’avec ses plus proches voisins levantins, et même en comparaison de certaines de ces dernières, elle manifestait assez peu d’enthousiasme.

Écartons que ce soit un simple vestige de l’expansion carthaginoise en Afrique : on retrouve ces institutions dans des zones hors d’atteinte de Carthage – même à son apogée –, et les traces subsistantes datent non seulement d’après la chute de la cité, mais du Ier siècle av. J.-C., une époque où Rome a commencé à manifester un intérêt de nature politique et financier pour ses possessions africaines90. La lointaine cité maurétanienne de Volubilis, à l’intérieur du Maroc, est édifiante à cet égard : les inscriptions funéraires puniques commémoraient des personnes de noms libyens – dont des suffètes – et on a même trouvé dans un sanctuaire à ciel ouvert de petites stèles à pignons décorées, érigées sur des urnes contenant les restes brûlés d’oiseaux et de rongeurs91.

Ces institutions entretenaient un indéniable lien avec Carthage, au moins au moment de leur adoption. Aux premières heures de l’impérialisme romain, l’identification à Carthage était un moyen de souligner la distance culturelle avec le nouveau pouvoir. Elle passait par la recréation ou la réinvention d’institutions caractéristiques de la prestigieuse cité africaine qui ne représentait plus une menace potentielle. En adoptant un ensemble d’institutions étroitement associées à un ennemi récent, les populations locales échappaient à une simple et totale assimilation à la puissance romaine et peut-être plus particulièrement, aux soldats et colons expédiés en masse en Afrique par Rome. De tels arrangements auraient aussi aidé à maintenir à distance les pratiques romaines, en rendant les communautés africaines difficiles à décrypter au sens propre et métaphorique : complexité culturelle et linguistique, imprévisibilité et changements des codes, conditions favorables au maintien d’une autonomie civique à la périphérie du pouvoir étatique.

Pour autant, toute tentative de réduire ces changements à une pure et simple résistance à Rome est problématique. Comme à Leptis, ces institutions levantines ont été adoptées de concert avec les romaines ; elles se sont développées et étendues sous la domination impériale, et ont souvent adopté des normes et des préférences romaines.



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