Motörhead 24 histoires pour Lemmy by Jean-Noël Levavasseur & Collectif

Auteur:Jean-Noël Levavasseur & Collectif [Levavasseur, Jean-Noël & Collectif]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 9782357797765
Éditeur: Camion blanc
Publié: 2015-11-01T23:00:00+00:00

1996 - Overnight Sensation

Alain Feydri

J’ai simplement perçu le chuintement mécanique des lourdes portes de la maison d’arrêt se refermant furtivement dans mon dos. Presque à me pousser dehors. Et suis sorti sans qu’aucun membre du personnel pénitentiaire n’émette le moindre propos ricanant quant à l’évidence d’un retour inéluctable ou le déni de justice constituant ma mise en liberté. Comme on l’entend parfois au cinéma. Un départ froidement administratif. Banal retour à la vie dite normale, où il ne m’a fallu qu’un court instant pour comprendre qu’il était désormais préférable de mettre de nombreux kilomètres entre moi et les fantômes encombrants de ma vie d’avant. Et ce qui m’avait amené à séjourner de longs mois derrière les murs infranchissables de ce sinistre bâtiment. Mes faux amis, comme l’avait lourdement souligné le juge d’application des peines. Me toisant alors d’un œil gorgé d’insultant mépris. Mais là, l’espace d’un instant, regard levé sur un ciel sans limites, même si chargé de nuages menaçants, je me suis senti comme neuf, grisé par la perspective de prochaines heures enfin libres d’entraves, étourdi par la simple idée de pouvoir me rendre où bon me semblait sans que personne d’autre ne s’en mêle. J’ai eu comme un vertige. À trembler tout seul sur mon trottoir. Avant de réaliser que je n’avais presque rien en poche et pas non plus d’endroit où crasher, sauf à aller frapper chez un de ces branquignols dont la fréquentation assidue s’était soldée par huit mois ferme sanctionnant deux-trois casses de pharmacie, cambrioles misérables, et quelques deals miteux d’une coke coupée au vermifuge ou antalgiques. Selon les besoins et le moment. Tout ce que j’avais récolté à faire le porte-bidon pour ces baltringues. Insultant pied-de-nez au sursis que je traînais pour des antécédents tout aussi crapoteux. Et en maintenant mon clapet serré, j’avais ramassé pour tout le monde. Plus par la trouille que ces affreux m’inspiraient que pour un quelconque code d’honneur. L’honneur, disons-le franco, j’suis pas trop sûr de bien savoir ce que c’est. Ni même à quoi ça sert. Pas un truc dont j’ai l’usage. Par contre, faut avouer que j’avais quelques bricoles à me faire pardonner. Et pas que des broutilles, à taper sans relâche dans la marchandise, avec l’intérieur du blair comme de la limaille pour y être revenu trop souvent. À ponctionner ainsi chaque jour, et de longs mois durant, dans le sac à malices, j’avais fini par pisser le sang à l’allumage. Coton et Kleenex ne me quittaient plus. Ça n’a pas suffi à m’arrêter. Ajouté au speed et à des flots d’alcool chargés d’adoucir les descentes, je touchais plus terre. Je me pensais imbattable. Le roi de la fête. Au sommet du grand huit. Tu parles ! Facile à cueillir, j’étais. Tête à l’envers et cœur en surmultiplié. Cible phosphorescente pour des flics en quête de chiffres faciles et d’affaires rapidement résolues. Le parfait nigaud. J’avais, à mon corps défendant, aidé à tirer vers le bas le pourcentage rituellement angoissant de la criminalité minable et quotidienne. Celle qui alarme l’homme de la rue et son clone télévisuel.

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