Modernité et holocauste by Zygmunt Bauman

Modernité et holocauste by Zygmunt Bauman

Auteur:Zygmunt Bauman [Bauman, Zygmunt]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Essai
ISBN: 9782913372207
Éditeur: La Fabrique
Publié: 2001-12-31T23:00:00+00:00


Un génocide d’exception

Les massacres ne sont pas une invention moderne. L’histoire est pleine de conflits communautaires et sectaires toujours mutuellement préjudiciables et potentiellement destructeurs, donnant souvent lieu à des explosions de violence, conduisant parfois à des tueries et se concluant même, dans certains cas, par l’extermination de populations et de cultures entières. À première vue, ce fait dément le caractère unique de l’holocauste, en particulier, le lien entre l’holocauste et la modernité, les « affinités électives » entre l’holocauste et la civilisation moderne. Il suggère au contraire que la haine communautaire meurtrière a toujours existé dans nos sociétés et ne disparaîtra probablement jamais, et que la seule signification de la modernité, à cet égard, c’est que contrairement à ses promesses et aux espoirs largement répandus qu’elles avaient suscités, elle n’a pas limé les aspérités, certes vives, de la coexistence humaine et, de ce fait, n’a pas mis un terme définitif à l’inhumanité de l’homme envers l’homme. La modernité n’a pas tenu ses promesses. La modernité a échoué lamentablement. Mais la modernité ne porte aucune responsabilité dans l’épisode de l’holocauste – puisque le génocide a toujours, depuis le début, accompagné l’humanité.

Ce n’est pas là, cependant, la leçon contenue dans l’expérience de l’holocauste. Sans aucun doute, l’holocauste ne fut qu’un épisode dans la longue série des tentatives de massacres et la série à peine plus courte de ceux qui ont réussi. Mais il présente certains traits qu’il ne partage avec aucun des génocides passés. Et ce sont ces traits qui méritent qu’on s’y arrête. Ils avaient un parfum distinctement moderne. Leur présence suggère que la modernité a contribué à l’apparition de l’holocauste de façon plus directe que par sa propre faiblesse et stupidité. Elle suggère que la civilisation moderne a joué, dans la survenue et la perpétration de l’holocauste, un rôle actif et non passif. Elle suggère que l’holocauste fut autant un produit qu’un échec de la civilisation moderne. Comme tout ce qui est fait de façon moderne, donc rationnelle, planifiée, scientifique, experte, bien gérée et coordonnée, l’holocauste dépassa et surpassa de loin tous ses soi-disant équivalents prémodernes, dont il démontra largement l’archaïsme, le gaspillage et l’inefficacité. Comme tout ce qui appartient à notre société moderne, l’holocauste, en tant que réalisation, fut à tous les égards supérieur si on le mesure selon les critères prêchés et institutionnalisés par ladite société.

Il domine de toute sa hauteur les génocides du passé, de la même façon que l’usine moderne domine la chaumière de l’artisan ou que la ferme moderne, avec ses tracteurs, ses moissonneuses-batteuses et ses pesticides, domine la petite ferme du paysan avec son cheval, sa houe et son désherbage manuel.

Le 9 novembre 1938, un événement survint en Allemagne qui resta dans les annales sous le nom de Kristallnacht. Les commerces, les lieux de culte et les maisons des juifs furent attaqués par une populace déchaînée mais officiellement encouragée et subrepticement contrôlée ; on démolit, on incendia, on vandalisa. Une centaine de personnes y trouvèrent la mort. La Kristallnacht fut le seul et unique



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