Mes hôpitaux, mes prisons by Verlaine Paul

Mes hôpitaux, mes prisons by Verlaine Paul

Auteur:Verlaine, Paul [Verlaine, Paul]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Biographie
Publié: 2011-05-06T22:00:00+00:00


II

« Or ceci se passait… »

... en 1870 au mois de décembre. J’étais garde national au 160e bataillon, secteur je ne sais plus quantième, vers Montrouge et Vanves. De plus, je remplissais depuis déjà longtemps les fonctions d’expéditionnaire à la Préfecture de la Seine, emploi qui m’eût exempté de tout service « militaire », n’eût été mon patriotisme (un peu patrouillotte, entre nous, cas, en ces temps de fièvre obsidionale, de plusieurs d’entre les Parisiens, d’ailleurs). Quelque amour de l’uniforme – de quel uniforme ! – et un peu de curiosité, aussi, me poussaient. Bref, le Rempart et le Bureau alternaient plus ou moins agréablement dans ma vie assez confortable d’alors (Quantum mutata !). Journée de bureau impliquait pour moi nuit de jeune ménage ; tour de rempart comportait du sommeil à la dure, – excellente condition pour ne pas s’aguerrir ès travaux de Mars. Aussi le premier feu jeté, bien savourée la joie de porter le képi de fantaisie et de manier le flingot à tabatière, le Bureau, tant honni aux jours pacifiques de cet « infâme » second Empire, me parut, en dépit de la sainte République tant, appâtée obtenue, et du danger couru par une patrie pour laquelle ma bonne volonté de « pantouflard » ne pouvait que vraiment trop peu, le Bureau finit par l’emporter dans mes préférences sur le Rempart, ses parties de bouchon dans la neige, son froid aux pieds, et cet ennui ! Et je négligeai quelque peu mon service et ses inconvénients pour mon emploi et ses compensations, conduite qui me valut bientôt la visite de mon caporal, un brave petit cordonnier de la rue Cardinal-Lemoine ; l’excellent garçon m’apportait un ordre de me rendre à la prison du secteur pour deux jours et deux nuits. J’accueillis le caporal très cordiale- ment mais l’ordre mal, et refusai de suivre le premier. Le lendemain, celui-ci sonnait de nouveau chez moi, convoyeur encore de celui-là doublé.

Résister n’était plus de mise, et, dûment emmitouflé d’un passe-montagne, de moufles, « couverte » en bandoulière, bidon plein, muni en outre d’une terrine de pâté de perdreaux (!) par ma femme (quantum, celle-là, aussi, mutata !), je m’acheminai, flanqué de mon supérieur, vers le poste, aujourd’hui démoli pour faire place aux bâtiments d’école de l’avenue d’Orléans, tout contre la chapelle Bréa, restée debout et servant de paroisse auxiliaire au quartier, – lieu de détention devenu depuis odieusement célèbre par le massacre par Serizier, en mai 1871, des Pères dominicains d’Arcueil.

Nous arrivâmes deux heures environ après notre assez matinal départ de chez moi, car nous nous étions arrêtés chez de vagues camarades de bataillon un peu marchands de vins, et entre autres stations, à l’entrepôt, tout voisin, des Vins, où d’autres camarades, employés là, nous régalèrent « aux frais de la Princesse » en me souhaitant bon courage pendant ma « captivité ».

Il y avait un greffe où quelques sous-officiers de l’armée citoyenne procédèrent à mon écrou, et une sorte d’immense hangar qui eût été une grange qui eût



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