Marie Ier, le dernier roi français by Antoine MICHELLAND

Marie Ier, le dernier roi français by Antoine MICHELLAND

Auteur:Antoine MICHELLAND
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Perrin
Publié: 2012-05-10T00:00:00+00:00


12

Faire reconnaître le royaume

17 septembre 1888-février 1889

Il a encore dans les oreilles les acclamations entendues au long des derniers kilomètres de sa route ; il revoit ces nhos et ces nhaqués, enfants et paysans, alignés sur les diguettes pour assister à son passage, les colons eux-mêmes agitant le chapeau ou le casque de liège au-devant du cortège, les regards posés sur lui, changés, disant l’enthousiasme, l’admiration, le respect. Tous ces honnêtes gens, avides aujourd’hui de courber l’échine devant lui, l’auraient laissé crever hier sans seulement tourner la tête. Comme Mercurol, minable Judas, comme le gouverneur général... tous, tous !

La certitude l’irradie, lancinante, revient avec le sang qui lui bat les tempes ; n’existent que l’action, la lutte, la loi du plus fort est la seule loi au monde, et le plus fort c’est lui, Marie Ier. Sa volonté a valeur d’ukase. Ce 17 septembre, à peine est-il arrivé dans le bureau de Charles Lemire, résident à Quinhon, qu’il lui dicte un télégramme aux accents comminatoires, destiné à Etienne Richaud, le gouverneur général de fait depuis des mois, en titre depuis neuf jours.

Sincèrement impressionné par l’incroyable réussite de Mayréna, Lemire est aussi stupéfait du ton qu’il emploie en s’adressant à la plus haute autorité d’Indochine. Il ne reconnaît pas l’explorateur parti cinq mois plus tôt. Marie Ier commence par annoncer son intention de placer la vaste confédération qu’il a créée sous l’autorité directe de la France, à l’exception notable du « pays des Sédangs » dont il demeure le roi. Seul habilité, à ce titre, à négocier les conditions du protectorat qu’il compte solliciter de l’administration coloniale.

En cas de refus, il n’hésiterait pas à traiter avec les Prussiens, c’est-à-dire ces fameux étrangers, signalés le 2 juin par le chef Khên et qui se trouveraient toujours aux abords de la frontière siamoise. Pour faire bonne mesure, Mayréna conclut son texte en signalant que Tôn That Thuyet, le régent de l’empereur déchu Ham Nghi, l’âme de la révolte des lettrés, est réfugié sur le territoire sédang, et qu’il peut, s’il le veut, le capturer370..

Où est l’habile négociateur, l’homme dont le credo est la persuasion par le verbe, le charisme ? Marie Ier mêle ici vérité et mensonge grossier, revendication légitime et menaces. Il croit habile de piquer la germanophobie française, alors à son paroxysme, quand son naïf cynisme va servir à le peindre sous des traits odieux. Les efforts surhumains qu’il vient de consentir, ces trop longs mois ensauvagés lui ont fait perdre toute mesure.

Dans son esprit, le royaume sédang devient une puissance redoutable, uniquement vouée à servir ses intérêts, sa vengeance à l’encontre de ceux qui l’ont trop vite enterré. Au long de ces premiers jours déterminants, à Quinhon et Lang Sông, sa raison chancelle, il se conduit en « véritable déséquilibré371. ». Il va en partie se reprendre, mais cet accès pèsera lourd dans son destin.

Et le plus fou reste que Marie Ier parvient vraiment à faire trembler l’Indochine. A preuve, la réponse prudente, suave, qu’adresse Etienne Richaud à son ultimatum télégraphié.



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