Manquent à l’appel by Giorgio Scianna

Auteur:Giorgio Scianna [Scianna, Giorgio]
La langue: fra
Format: epub
Tags: A_Poster, Littérature Italienne
Éditeur: Liana Lévi
Publié: 2018-01-02T23:00:00+00:00

* * *

1. Divisione Investigazioni Generali e Operazioni Speciali : créée en 1978, chargée de la sécurité intérieure (équivalent italien de la DGSI). (Toutes les notes sont de la traductrice.)

Mardi 13 décembre, 19 heures – Chez Lorenzo

On sonne à l’interphone.

C’est Benedetta qui décroche. Depuis quelques mois, ça l’amuse de se ruer sur le combiné avant tout le monde.

Quand on arrive, ma mère et moi, elle a déjà ouvert.

« C’est pour Lorenzo.

– Qui est-ce ?

– Je n’ai pas compris.

– Allez, dis-nous qui c’est. »

Ma mère s’est penchée vers elle et lui a saisi le bras. D’abord, ma sœur rigole, mais quand elle voit la panique sur le visage de ma mère, les larmes lui montent aux yeux.

« Je n’ai pas compris, elle l’a mal dit, son nom… elle voulait Lorenzo. »

On entend la porte de l’ascenseur s’ouvrir sur le palier. Ma mère se jette sur le judas. Elle pâlit, et puis elle se retourne. Je n’attends pas qu’elle me dise qui c’est et je regarde à mon tour.

C’est la dernière personne que je m’attendais à voir.

Aujourd’hui, personne n’est venu me voir. Je ne suis pas allé au lycée et tout le monde a su que notre maison avait été attaquée. Les policiers ne sont repartis qu’à deux heures du matin, et ma mère a préféré que je me repose un jour de plus. La prof d’italien m’a téléphoné et la proviseure m’a envoyé un message qui disait : Nous t’attendons. Mais personne n’est venu. J’ai vu trois épisodes de Modern Family dans le salon qui ressemble à un bunker parce que les stores sont baissés et que mon père refuse qu’on les ouvre même en plein jour.

Nadine entre chez nous.

Ma mère lui serre la main. Elle lui sourit, embarrassée, et lui prend sa doudoune pour la suspendre.

Elle porte un survêtement bleu, et un bandeau lui couvre les cheveux, pas un foulard, un de ces bandeaux qu’on met pour faire du sport.

« C’est gentil d’être venue, assieds-toi. »

Nadine s’assied sur le canapé. Elle est très belle, même sans maquillage. Elle regarde autour d’elle : « Je suis désolée… il est peut-être un peu tard…

– Nous ne dînerons que tout à l’heure », répond ma mère, pour lui faire gentiment comprendre qu’elle ne doit pas rester trop longtemps. « Tu veux boire quelque chose ?

– Non merci. »

Ma mère se lève quand même et revient quelques secondes plus tard avec deux Sprite sur un plateau. Elle a dû courir pour revenir aussi vite.

« Viens dans ma chambre », je lui dis ça avec le sourire, mais sur un ton ferme qui ressemble à un ordre. Je veux sortir de ce salon sinistre, échapper au regard fixe de ma mère.

On se lève. Ma mère nous suit avec le plateau.

« Si vous avez soif. »

Elle finit par le poser sur mon bureau et elle sort enfin de ma chambre en laissant la porte entrouverte, assez pour pouvoir nous surveiller du couloir.

On est assis au bord du lit, l’un à côté de l’autre. Je continue à la regarder.

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