Mémoires d'un épouvantail blessé au combat by Pierre Pelot

Mémoires d'un épouvantail blessé au combat by Pierre Pelot

Auteur:Pierre Pelot [Pelot, Pierre]
La langue: fra
Format: epub
ISBN: 2265033650
Éditeur: FNA 1482
Publié: 1986-08-31T22:00:00+00:00


Ça bourdonnait dans sa tête et c’était comme si celle-ci avait doublé de volume. Ou triplé. Comme si, à part sa tête, son corps eut été façonné n’importe comment à l’aide d’une espèce de charpie sans nom. Ce qui ne 1 empêchait pas de sentir pulser son sang, presque douloureusement, dans tout un tas de de veines et d artères, un réseau parfaitement embrouillé ; mais surtout, là encore, dans sa tête.

« Nom de pieu de nom de Dieu de nom de Dieu ! » Jurait mentalement Cutty, à moins qu’il prononçât réellement et à plus ou moins haute voix la litanie.

Il avait très bien ce qu’il faisait. D’une’certaine manière, oui, il en avait la parfaite et l’irrépressible conscience – comme une Conviction forcenée qui ne lui appartenait peut-être pas tout à fait, peut-être pas, mais a laquelle Il ne pouvait ni ne devait échapper, et de ça Il était convaincu. IJ devait Impérativement agir de cette façon. Maintenant et plus tard. S’il échouait, les conséquences. se révéleraient tout bonnement désastreuses. « Pas pour moi », songeait-il, quelque part dans les assauts de bourdonnements qui tambourinaient aux parois démesurément enflées de son crâne, « pour le Pays, pour le prestige de mon pays, pour l’Économie et la Grandeur des U.S.A., une catastrophe, tout simplement, si je n’y par viens pas ».

Et il savait ce qu’il faisait, la, à cet instant, l’ennui, le gros ennui, venait de ce qu’Il avait oublié le « pourquoi ».

Ab Cutty avait oublié un grand nombre de choses. Il avait oublié, oublié et oublié, voilà pourquoi sa tête était si grosse, si démesurément « expansée », sa pauvre tête, comme un piège ouvert à l’affût des fragments épars et satellises de sa mémoire morcelée… Il avait oublié, mais peut-être le fallait-il ? Peut-être cette amnésie n’était-elle que le reflet grimaçant d’une illusion supplémentaire – et nécessaire ? Parce qu’il se souvenait aussi, par contre, d’un milliard d’autres choses, pareillement atomisées, parcellaires, en pluie de confetti qui tournoyaient dans la grosse boule de sa tête.

Il se souvenait de…

Mais ce n’était pas le moment. Pas tout de suite. Plus tard… Une autre fois.

Il s’aperçut qu’il conduisait en appuyant sur le volant aussi fort, et à deux mains, que s’il avait poussé une charrue. Il se détendit. en lui, quelque part dans cette construction ; :, fibreuse qui était lui, un peu de cette tension qui ne lui appartenait pas tout en le portant et le soutenant en entier, un tout petit peu, une bribe, une once de cette tension se relâcha, le vieux coussin de fauteuil qu’il ajoutait à son siège, grâce auquel son champ de vision gagnait les quelques pouces nécessaires une bonne conduite du véhicule, avait glissé au creux de ses reins. Il avait des crampe dans les cuisses et les fesses. Il se tortilla pour faire redescendre le coussin en bonne, place. Les crampes s’évanouirent, comme eut fondu une glace noire emprisonnant les fibres de son corps. Après quoi, il eut faim ! Soif, surtout. Et, tout de suite, très soif.



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