Ma transhumance by Antoine de Baecque

Ma transhumance by Antoine de Baecque

Auteur:Antoine de Baecque [Baecque, Antoine de]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Biographie
Éditeur: Arthaud
Publié: 2019-05-15T04:00:00+00:00


Montée, ensuite, sur le plateau des « Plaines », plutôt mal nommé, par une magnifique petite route prolongée par une piste. Au sommet, à 700 mètres d’altitude, je découvre un grand plan horizontal couvert de blés. Que c’est beau ! Au loin, deux mas, notamment le plus petit : là où finir nos jours avec E. ?

Mais la roche Tarpéienne est proche du Capitole, on le sait. Après ce lieu idyllique commencent les ennuis. Pourtant, c’était mon premier vrai col depuis Arles, dûment répertorié comme tel par l’IGN et un panneau indicateur. Et Dieu sait que j’aime les cols et que, repéré sur la carte, je l’attendais avec impatience. Le col de l’Espinouse culmine à 838 mètres, mais je ne l’ai atteint qu’au bout de près trois heures de marche. Ce n’est pas le dénivelé – qui aurait dû être avalé en moins d’une heure – qui m’a ralenti mais la perte du chemin, égaré dans une garrigue sauvage, hostile, hérissée de buttes répétitives et creusée de ravins de terre instable. Je comprendrai un peu plus tard que le chemin a sans doute été volontairement effacé par un paysan hostile à la routo et au projet de faire passer par là des randonneurs – il y en a, des grincheux qui craignent pour la tranquillité des bêtes et prisent peu le citadin baladeur. Ce n’est pas difficile d’effacer un chemin : un petit coup de tracteur qui brouille la piste sur une cinquantaine de mètres et le tour est joué.

C’est en ces moments de grande solitude égarée que l’on s’aperçoit que les anciennes « Basses-Alpes » – métamorphosées en 1970 en de plus « vendeuses » Alpes-de-Haute-Provence – forment l’un des départements les plus vastes et les plus dépeuplés de France. Cela suppose des déserts, et j’en ai traversé quelques-uns : plateau de Valensole, trois habitants au kilomètre carré ; plateau d’Albion, deux ; montagne de Lure, un ; plan de Canjuers, un habitant pour 10 kilomètres carrés ! D’énormes morceaux de pays tombent dans le silence. Mais pas celui de la nature, dont la parole au contraire s’épanouit de l’absence des hommes. Il y a bien ici une civilisation du désert : l’intensité de la vie de la nature s’organise en fonction de ces espaces déshérités.

Un inconcevable amoncellement d’essences, chardons, cistes, pics-de-lance, lavande sauvage, sainfoin, blaches, chênes verts et blancs, hêtres, pins cembro… Maquis inextricable et épineux casse-tête non résolu quelques heures durant. Le paysage échappe. Comment faire ? Les grands moyens : tirer droit vers l’est à flanc de ravins, quitte à se faire un peu peur dans les éboulements, escalader deux ou trois barbelés, pour gagner la route goudronnée, la D8, joindre le collet d’Espinouse, 838 mètres, avant de plonger sur La Molière.



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