Louis XIV by François Bluche

Louis XIV by François Bluche

Auteur:François Bluche [Bluche]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Historique, non lu
Éditeur: Fayard
Publié: 2011-12-26T09:10:00+00:00


CONTRAINTES ET PLAISIRS

Qui joue le jeu de la cour perd alors toute raison de se plaindre, tant le cahier des charges se confond avec le calendrier des plaisirs. Quand les obligations du service ne vous retiennent pas loin du saint des saints, le Roi souhaite votre présence assidue. Si vous êtes là, du lever au coucher, vous multipliez les occasions d'être bénéficiaire d'une charge, d'une gratification, d'une invitation à Trianon ou à Marly, voire d'un simple mot aimable qui vous met en vedette et vous encourage à attendre encore en vue d'obtenir mieux. Dans ce dernier cas le Roi nomme : « Bonjour, monsieur Un tel... », montrant qu'il vous reconnaît et distingue du tout-venant. Dès lors, qui se plaindrait sérieusement d'attendre ? Un « Je ne le vois pas », à défaut de briser une carrière, peut contrarier bien des légitimes ambitions.

Les occasions de se montrer au Roi sont multiples. Il y a son aller et retour de la messe, le dîner public, dit « au grand couvert », les appartements. Mais le plus sûr est d'être présent devant lui dès le matin. Le lever de Sa Majesté tient compte de « divers degrés qu'on observe à y être admis, n'y ayant d'abord que ceux qui ont droit de se trouver au petit lever qu'on appelle, qu'on laisse entrer, et qui sont les gens de la chambre98 » et quelques privilégiés. Ces grandes entrées doivent pareille faveur à leur charge (les premiers gentilshommes, le grand chambellan, le grand maître de la garde-robe, etc.) ou à leur crédit (les légitimés). La fin du petit lever est accessible aux bénéficiaires des premières entrées : le prince de Condé, le duc de Villeroy, le premier écuyer Beringhen, les lecteurs du Roi, les précepteurs du Dauphin. Cette simple énumération révèle un assez heureux mélange de naissance, de mérite et de faveur. Une troisième vague fait introduire d'autres princes et d'autres importants personnages, le capitaine des gardes et le premier maître d'hôtel. On nomme « entrée libre » le quatrième routage de l'opération du lever. Il comprend les courtisans « dont même on appelle souvent quelques-uns par préférence, suivant la considération où ils sont en cour, avant que d'y admettre les autres présents ». Les quatre catégories de bénéficiaires en font donc cinq. Mais il est plus vrai d'en compter six, car les membres de la famille royale (fils et petits-fils de France) ont les entrées par les derrières. Ils évitent le filtrage de l'antichambre et peuvent à leur guise se présenter à Louis XIV avant que viennent même les grandes entrées.

Beaucoup de logements de courtisans sont petits et inconfortables. Peu sont équipés pour permettre une cuisine convenable, encore moins recevoir. Mais puisqu'il est entendu que le Roi vous honore grandement en vous accueillant sous son toit, vous auriez mauvaise grâce à rechigner. La cour est plutôt austère, par la volonté du souverain, dévote, réservée. Mais depuis l'arrivée de la jeune duchesse de Bourgogne le vieux Roi rend au divertissement une part de la place perdue : souper des Rois, carnaval, bals, concerts, ballets égaient un peu Versailles.



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