L'os de dionysos by Christian Laborde

L'os de dionysos by Christian Laborde

Auteur:Christian Laborde [Laborde, Christian]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Erotisme
Publié: 2011-11-26T11:24:25+00:00


XXI

LETTRE à Laure. Je veux te parler de la pluie. Je t’aime et la voici qui, de nouveau, sur le toit, jette son sac de billes. La pluie. Je veux te parler de son retour, de son chant qui recommence. Laure, connais-tu le tennis des gouttes?

Les gouttes de pluie. J’étais enfant. J’étais couché. Je les entendais rebondir sur le toit. Les chats dormaient dans le grenier, sur la vieille bâche, derrière des roues de bicyclettes appuyées contre le mur; des toiles d’araignées pendaient à leurs rayons. Les gouttes de pluie. Elles me tiraient de mon sommeil. Je gardais les paupières closes. Cécité voulue. Le monde entrait dans mon oreille : grosses gouttes s’écrasant sur la boîte aux lettres en fer, averses secouant les volets, mandibules liquides s’attaquant aux tuiles, dérapant sur le zinc des gouttières, sombrant, dissoutes, dans les eaux tumultueuses de la rigole. Les gouttes de pluie. Quand elles touchaient les tuiles au moment où je m’endormais, elles faisaient résonner le monde autour de moi, monde qu’en apparence je quittais, mais auquel je donnais rendez-vous de l’autre côté des terres souples du sommeil. Car dormir c’est courir le monde, c’est être à lui au cœur même de soi.

Pluie d’enfance, très vieille pluie, pluie perdue comme mon visage de gosse, je veux dire mon visage d’homme goûtant sans réserve les odeurs animales du monde, pluie maintenant retrouvée, grâce à toi Laure. T’aimer abolit ce qui me séparait du monde. L’enfance revient. Escarpolette, flaques d’eau, mésange sur son balancier, odeur d’astre et de boue, Agathe, frégate, paradis, Baudelaire. Nos étreintes sont minérales. Laure, dans ta nuque! Sur toi, maintenant, harnaché de silex ! Le sang se souvient de la pierre qu’il fut. Tu vois, ni guerrier ni petite mort ! Il nous faudra, mon amour, trouver d’autres syllabes, d’autres mots, décrassés, sans joug, élémentaires, à la proue, donnant à voir l’enfance et la forêt dont l’amour est porteur.

Laure, le monde est là, en nous, mal dit par nos paroles encore soumises au vieux patois humain. Ni sabots, désuets ni mocassins modernes ! Fuyons pieds nus comme les volcans! Proclamons-nous solidaires des attentats du gui !

Je t’aime.



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