Les thermes by Vázquez Montalbán Manuel

Les thermes by Vázquez Montalbán Manuel

Auteur:Vázquez Montalbán, Manuel [Vázquez Montalbán, Manuel]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Policier
Éditeur: 10-18 Grands détectives
Publié: 1986-01-21T05:00:00+00:00


Ce fut une arrivée tout à fait symptomatique, qui eut lieu ni en avance ni en retard mais au moment précis où les deux aiguilles de n’importe quelle montre à aiguilles s’accordèrent pour indiquer neuf heures. Il y a quelqu’un pour déclencher le chronomètre des grands événements et ce jour-là, à l’heure pile, lorsqu’il fut très exactement neuf heures, la grille de l’entrée principale des Thermes s’ouvrit de part en part et livra passage à une caravane qui semblait avoir un objectif précis et important. Il n’y a pas deux caravanes pareilles. Surtout quand vient en tête une voiture officielle noire pourvue d’un drapeau espagnol et d’une immatriculation du parc automobile ministériel, suivie d’une limousine bicolore avec le drapeau américain, d’un camion blindé n’ayant apparemment servi que pour des transports distingués et sophistiqués et deux voitures hurlantes et remplies d’hommes fouillant du regard les quatre points cardinaux et que le cortège est fermé par une jeep de la police militaire espagnole. Il suffisait d’examiner la participation espagnole à l’expédition pour comprendre son caractère exceptionnel. Par exemple, les quatre indigènes de la police militaire avaient sans doute été sélectionnés parmi les meilleurs de l’espèce. Ils étaient d’abord d’une stature européenne, c’est-à-dire moyenne dans une équipe de basket-ball, ensuite leur allure athlétique, l’indéniable précision et la gravité de leurs gestes démontraient qu’ils avaient conscience d’être les plus beaux fruits de la race et ses ambassadeurs. On avait même fait en sorte qu’ils soient tous non pas blonds comme les blés, mais un peu blonds. Les polices militaires, partout, professionnelles ou pas, se croient la vitrine de l’armée, la sauvegarde de sa respectabilité. La police militaire consacre toute son énergie à éviter que le contact entre les militaires et la population ne suscite d’embarrassantes interrogations dans la conscience civile ; par exemple : à quoi servent les militaires ? La logique veut qu’en temps de paix les militaires forment un paysage aussi camouflé que les sapins dans les régions alpines ou les rhododendrons dans les jardins de Hampstead. Donc la police militaire doit soigner au maximum son être au monde. Parce que le simple mot de « police » est déjà un signal d’alarme. Qui dit police dit répression, et si cette police est militaire, elle réprime soit les excès des militaires par rapport aux civils, soit ceux des civils par rapport aux militaires. Mais le mot excès, équidistant par rapport au sommet des deux raisonnements opposés, induisait une sémantique scandaleuse qui, forcément, devait susciter de la méfiance dans la population civile.

Or, ce jour-là, aux Thermes, la police militaire se trouvait au-delà de ce parti pris. Elle représentait seulement un pouvoir qui ne voulait qu’affirmer sa présence, même s’il savait qu’il n’exerçait pas. Ces quatre soldats aguerris et maîtres de soi étaient comme les hussards d’Alexandra de la grande époque, escortant sur leurs chevaux blancs une division blindée de la Wehrmacht, ou comme ces gardes en grande tenue qui, dans les processions, mettent leur prestance de cavaliers et la grâce de leurs panaches blancs au service d’une Vierge Marie quelconque, véritable héroïne de la fête.



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