Les résistantes by Judy Batalion & Annette Wieviorka

Auteur:Judy Batalion & Annette Wieviorka [Batalion, Judy & Wieviorka, Annette]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Les Arènes
Publié: 2022-03-24T11:34:47+00:00

Chapitre 24

Dans les filets de la Gestapo

Renia

Août 1943

Comment les faire sortir ?

Voilà ce que Renia se demandait, désespérée1. Elle savait maintenant qu’en plus de Chajka, Aliza, Chawka Lenczner, un certain nombre d’orphelins et même sa sœur se trouvaient dans le camp de liquidation. Le temps comptait, car chaque jour des Juifs étaient déportés vers les camps de la mort. Or Renia ne connaissait pas les gardes du camp et ne savait pas comment y entrer. Elle ne pouvait s’y rendre seule.

Au fil des informations qu’elle réussit à glaner, elle apprit qu’un certain Bolk Kojak connaissait des gardes du camp, et y allait chaque jour. Membre de la Jeunesse sioniste [Hanoar Hatzioni], un groupe moins politisé et davantage préoccupé par le pluralisme et le sauvetage des Juifs2, Bolk vivait dans la partie aryenne de Będzin en se faisant passer pour un catholique. Renia se dit qu’il pourrait peut-être l’aider ou, à tout le moins, lui donner des conseils. Accompagnée d’Ilza, elle passa deux jours dans la rue de Bolk, « comme un chien errant », en attendant de tomber sur lui. Ce qui arriva. Lorsqu’elle le vit apparaître au loin, elle courut vers lui, emplie d’espoir.

Ils se mirent à marcher comme s’ils faisaient une promenade, avant de s’asseoir sur un banc dans le marché. Ils s’efforçaient de paraître naturels, mais chuchotaient, conscients de la présence de deux vieilles Polonaises non loin d’eux.

— Je t’en prie, aide-moi, le supplia Renia.

— Je sauve d’abord et avant tout des membres de la Jeunesse sioniste, répondit Bolk, brisant le cœur de Renia. Elle était si proche de son but.

Mais elle ne renonça pas aussi facilement. Comme toujours, elle fit tout ce qu’elle put pour obtenir ce qu’elle voulait3. Sans se départir de son calme, elle négocia. Elle finit par offrir à Bolk plusieurs milliers de marks pour sauver ne serait-ce qu’un seul membre du kibboutz Freiheit.

« Reviens me voir après-demain, dit-il, à six heures du matin. »

Une fois Bolk parti, Renia et Ilza se dépêchèrent d’aller prendre le tramway en direction de Katowice, la ville voisine, où elles allaient passer la nuit. Soudain, les deux vieilles Polonaises leur barrèrent le chemin. « Vous êtes juives, n’est-ce pas ? »

Renia et Ilza les contournèrent, mais les deux autres se mirent à les suivre, accompagnées d’enfants qui criaient : « Juives ! Juives ! »

« Courons », murmura Ilza.

Mais Renia refusa sous prétexte que ce serait pratiquement un aveu. Elles se dirigèrent vers un immeuble vide qui avait été autrefois occupé par des Juifs. À ce stade, une petite foule de gens les talonnait. Elles furent rapidement encerclées.

— Vous êtes déguisées en Polonaises, crièrent les deux femmes qui menaient le bal. Mais vous avez rencontré un Juif !

— On devrait tuer tous les Hébreux, ajouta une autre femme. Si Hitler ne réussit pas à le faire, nous finirons le travail.

Sans réfléchir, Renia la gifla. Une fois, deux fois, trois fois. « Si je suis vraiment une Juive, dit-elle, alors, vous allez savoir de quoi une Juive est capable.

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