Les philosophes sur le divan ; Quand Freud rencontre Platon, Kant et Sartre by Charles Pépin

Les philosophes sur le divan ; Quand Freud rencontre Platon, Kant et Sartre by Charles Pépin

Auteur:Charles Pépin
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Editions Flammarion


— Schopenhauer a eu cette formule, ce jour-là : « Notre vie est un pendule qui oscille de la souffrance à l’ennui, et de l’ennui à la souffrance. » Il semblait en tirer, devant les cinq dépressifs qui buvaient ses paroles, une étrange jubilation. Cette vie oscillant entre la souffrance et l’ennui, l’homme la devait à son désir : désirer, c’est souffrir du manque, mais satisfaire son désir, c’est bientôt s’ennuyer, alors il faut désirer encore un autre objet, et de nouveau c’est la souffrance du manque. Il en venait à présenter la mort comme une délivrance, une façon de retrouver ce néant auquel la naissance n’aurait jamais dû nous arracher… Et moi je me tenais là-haut, plus discret qu’une ombre, à écouter le prêche schopenhauerien : « La mort cette délivrance… » Je me tenais là-haut et je me disais : comment pouvait-on se tromper à ce point ?

— Oui…

— Je me demandais aussi comment on pouvait souffrir autant.

— Oui, cela vous surprend qu’un homme puisse souffrir à ce point…

— Oui, c’est vrai.

Il marque un temps d’arrêt et répète :

— Oui, c’est vrai, une telle souffrance me surprend.

Il marque de nouveau une pause.

— Ce jour-là, j’ai quitté la faculté de Berlin en me disant que je n’avais pas appris grand-chose. L’air était doux, Hegel et Schopenhauer m’avaient tous deux ƒ

pris pour cible ou interlocuteur, et maintenant je me sentais un peu seul. Je prenais conscience de ce qui m’avait conduit là. C’était comme si j’avais espéré de ce voyage qu’il m’éclairât sur mon obsession de l’intention pure. Mais, au fond, je n’avais pas besoin d’eux pour trouver ce que je cherchais à sauver avec ma morale de l’intention, visant le Bien et rien que lui. Je le savais déjà…

— Oui…

— Je l’avais toujours su. En tout cas maintenant il me semble que je le vois un peu mieux. C’est peut-être un effet de l’analyse mais il me semble que j’y vois un peu plus clair…

— Dites.

— Ma mère était une femme exemplaire, qui s’occupait de tout, de la maison et de nous, de mes sœurs et de mon frère, de mon père et de sa fatigue lorsqu’il rentrait le soir, il avait un métier éreintant, il fabriquait des selles et des courroies, il revenait très affecté mais ne se plaignait jamais. Ma mère était là pour nous tous, soucieuse de notre bien-être, de nos devoirs…

— De vos devoirs…

— Elle s’arrangeait du manque d’argent qui nous rendait la vie si difficile, elle pensait à tout avec amour, bonté, dévouement. Enfant, elle était mon réconfort, je me sentais enveloppé, protégé par sa bienveillance, sa douceur, mais un jour…

— Oui…

— Ce fut à la fois imperceptible… et très violent. C’était peu de temps avant sa mort accidentelle, je devais avoir douze ans. Elle venait de m’apporter un chocolat chaud, j’avais des devoirs à faire et me sentais mal, inquiet. Dans ces moments-là, je m’étais toujours accroché à elle, à sa bonté, à ses égards mais cette fois-là, pour la première fois…

— Oui…

—



Télécharger



Déni de responsabilité:
Ce site ne stocke aucun fichier sur son serveur. Nous ne faisons qu'indexer et lier au contenu fourni par d'autres sites. Veuillez contacter les fournisseurs de contenu pour supprimer le contenu des droits d'auteur, le cas échéant, et nous envoyer un courrier électronique. Nous supprimerons immédiatement les liens ou contenus pertinents.