Les noces de soie - 2 - La Villa Des Térébinthes by Jean-Paul Malaval

Les noces de soie - 2 - La Villa Des Térébinthes by Jean-Paul Malaval

Auteur:Jean-Paul Malaval [Malaval, Jean-Paul]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Terroir
Éditeur: Calmann-Lévy
Publié: 2012-08-28T22:00:00+00:00


De retour en ville par le quai Saint-Clair, sur la rive gauche du Rhône, Adèle Colomier avait acquis la certitude que Silvius était entré dans la voie de la raison. Elle avait promis de convaincre sa fille de ne plus voir Maxime Prénat. Tant d’angélisme ne se pouvait concevoir que dans un esprit simple. À la vérité, Adèle avait fait un transfert ; elle se reconnaissait dans l’histoire de Silvius. Comme elle se sentait assez forte pour contraindre Francis à abandonner le « culte lazaretien », elle croyait que Silvius y parviendrait lui aussi, tout naturellement, avec sa Roxane.

À sa demande, Andromas descendit à la Bourse, laissant sa belle-mère poursuivre sa route avec ses belles illusions. Silvius avait envie de se dégourdir les jambes et flâner rue de l’Hôtel-de-Ville, longue artère bordée d’imposants immeubles haussmanniens de cinq étages. Les boutiques s’ouvraient sur la rue encombrée de passants avec ses étals de fruits et de viandes. Quelques magasins de confection et d’ameublement offraient leurs nouveautés à des attroupements de badauds. Les voitures à cheval avaient mille difficultés à se frayer un passage. Le Lyonnais était si indocile qu’il se croyait toujours maître de la rue. Tant de fronde et d’indiscipline ravissait Silvius, peut-être était-ce la raison pour laquelle il se plaisait dans la ville.

Dans un estaminet de la place d’Albon, Le Saint-Ignace, il commanda un porto. Il en but plusieurs à la suite, et trouvant à la longue la potion trop sirupeuse, il termina par un cognac de médiocre composition. Il eût préféré un Hennessy ou un Otard mais la maison n’en vendait pas.

« Que cherches-tu ? Un peu d’ivresse. Qu’importe le flacon », se dit-il. Et il continua sur sa lancée. Dans le fond de salle, il y avait quelques braillards en goguette. Les uns chantaient, les autres criaient.

– Je trinque aux canuts, aux cervelles de canuts, dit un type en brandissant un pot de vin.

Ses voisins exultèrent. Et le type se mit à choquer les caboches, une à une, avec son pot. Tous se prêtèrent au jeu, sauf un qui répondit par une bourrade.

– J’suis pas une cervelle de canut, moi. Mélange pas, mon gars. Je m’fous des canuts. Ah ! l’ouvrier, l’ouvrier…

Son idée se perdit en route. Et soudain, il parut retrouver le fil :

– De l’esclave, oui. Qu’a su qu’trimer pour trois francs six sous. Moi, j’vous dis, vive la Carmagnole. Ça, c’était des hommes, les sans-culottes. Est-ce que t’as vu le sang des profiteurs couler à la Guillotière ? Moi non. Alors, cervelle de canut, foutaise, va donc voir la vierge de Fourvière. Y en a marre de se faire traiter de fromage de canut. Allez, les gars, vous n’en avez pas assez ?

Les types burent religieusement. L’un d’eux se hasarda même à chantonner une vieille rengaine, du temps où ça bardait sur les remparts de Lyon, où la Croix-Rousse était en pétard. On reprit en chœur :

Voilà l’ouvrier de Lyon.

Voilà ! Voilà ! l’ouvrier de Lyon !



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