Les Litvaks by Minczeles Henri & alii

Auteur:Minczeles, Henri & alii [Minczeles, Henri & alii]
La langue: fra
Format: epub
Tags: M, Histoire
Éditeur: Éditions La Découverte
Publié: 2008-08-30T22:00:00+00:00

Une dispersion douloureuse mais féconde

Après la Shoah et les purges staliniennes, la flamme des artistes litvaks se trouva dispersée sur presque tous les continents, portant désormais la marque de l'indicible.

Ainsi Samuel Bak, né à Wilno en 1933, enfant prodige du ghetto de Vilnius, et Alexandre Bogen, qui a également peint des scènes de ghetto et de résistants de la forêt, sont-ils devenus, après leur émigration, des peintres célèbres en Israël. Par leur art, ils ont cherché à témoigner de ce monde perdu et de l'horreur vécue. Samuel Bak, qui vit aujourd'hui aux États-Unis, a, entre autres, été récemment exposé à la Galerie nationale de peinture de Vilnius. Ses toiles, à l'étrange réalisme onirique, ont ranimé le souvenir de la culture litvak sur les lieux mêmes où celle-ci fut quasiment anéantie. Parmi de nombreux autres artistes litvaks, citons deux peintres israéliens formés à l'académie de Vilna : Misky Reuven, né en 1916, qui émigra en 1939, et Moshe Rosentalis, né à Mariampole, près de Kovno, en 1922. Au musée d'Art du kibboutz Ein Harod, l'on peut admirer une collection rare d'œuvres de plusieurs peintres originaires de cette zone.

C'est encore à ce monde que se rattachent les peintres américains Hyman Bloom (né en Lituanie en 1913), Mark Rothko (1903-1970), né à Dvinsk (Daugavpils), William Zorach (1889-1966) ou Ben Shahn (1898-1969). Tous émigrèrent très jeunes avec leur famille aux États-Unis, où ils furent élevés dans la tradition et l'esprit de leur communauté d'origine. Cela peut expliquer, au cœur de leurs œuvres individuelles, les préoccupations de ces artistes, représentatifs de l'expressionnisme abstrait, lequel prend chez Ben Shahn une forme que l'on peut qualifier d'« engagée ».

Au Brésil, Lazar Segall, l'un des peintres les plus connus de ce pays — un musée de São Paulo lui est consacré -, avait étudié la peinture à Vilna, où il était né en 1891. Parti en 1906 poursuivre sa formation à Berlin puis à Dresde, il représente des personnages faméliques et pathétiques qui semblent préfigurer, dès le début des années 1920, la catastrophe à venir. En 1923, il se fixe au Brésil où il deviendra le chef de file de la peinture contemporaine. Pourtant, il ne cessera jamais de puiser son inspiration dans la triste épopée des Juifs d'Europe : exodes, pogroms, extermination.

Au nouveau Musée d'art juif de Vilnius, une exposition dense et émouvante permet d'imaginer ce que seraient devenus d'autres talents si la Shoah ne les avait pas engloutis22 a. Ainsi en est-il de deux artistes connus avant la guerre et dont les œuvres avaient été exposées en 1929, Benzion Mikhtom (1909-1941) et Rachel Sutzkever (1904-1943) avec ses portraits peints dans le ghetto, d'Esther Lurje (1913-1942) qui a représenté des scènes du ghetto de Kovno, ou de Cerne Percickoviciute (1912-1942).

Soulignons la force commune d'inspiration qui s'est exprimée dans la pluralité des talents de ces artistes litvaks, qu'aucun formalisme réducteur ne peut enfermer.

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