Les Japonais et la guerre 1937-1952 by Lucken Michael

Les Japonais et la guerre 1937-1952 by Lucken Michael

Auteur:Lucken, Michael [Lucken, Michael]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Essai, France, Histoire, Japon
Éditeur: Le Toto Invisible - GT
Publié: 2013-07-16T22:00:00+00:00


Que faire des monuments ?

Dans un magazine de janvier 1946 est reproduit un dessin humoristique comprenant trois vignettes : la première montre la statue d’un général sur son cheval ; la deuxième figure un sculpteur donnant un grand coup de marteau sur le militaire ; sur la troisième, les visiteurs d’un musée admirent une œuvre qui n’est autre que l’ancien cheval535. Les autorités nippones n’ont guère dû être surprises de voir les Américains exiger la disparition des symboles du militarisme. Voir les vainqueurs s’en prendre aux monuments exaltant le patriotisme et les chefs militaires était dans l’ordre des choses. Même la volte-face des artistes était attendue. La mise au rencart des statues fut dans les médias l’un des symboles du rejet de l’ancien Japon536.

Pourtant, la directive américaine sur le démantèlement du shintō d’État ne s’attarde pas sur les monuments et les objets en place. Seule est mentionnée l’obligation de faire disparaître les petits autels ou sanctuaires miniatures qu’on trouvait dans toutes les institutions publiques pendant la guerre. Toutefois, en dehors de ces objets qui furent effectivement retirés, des timbres et des billets de banque sur lesquels il fut interdit de faire figurer sanctuaires ou portiques, il n’y avait guère d’autres images susceptibles de tomber sous le coup de cette disposition, le shintō, au contraire du bouddhisme, étant une religion plutôt méfiante vis-à-vis des représentations figurées. Tel que le document du SCAP est rédigé, l’ikebana, le nō, le sumō, le gagaku, toutes les formes d’art occasionnellement liées au shintō qui ont été instrumentalisées pendant la guerre, ne sont pas concernés. Ainsi, comme le rapporte Faubion Bowers, qui a été l’aide de camp de MacArthur et s’est beaucoup occupé du théâtre sous l’occupation : « Personne ne s’intéressait au nō parce que c’était si ancien que les gens n’y comprenaient rien537. » Bien que certaines pièces de kabuki, comme Les Vassaux fidèles (Chūshingura), aient été vivement réprimées, et qu’aient été ponctuellement censurées certaines œuvres de la littérature classique comme le Recueil des faits anciens (Kojiki), de nombreuses formes d’expression qui avaient pu servir à véhiculer l’esprit du shintō d’État se trouvaient de fait en dehors du champ d’application du texte538.

La directive américaine précise cependant certaines formules à bannir : « L’utilisation dans des textes officiels des expressions “guerre de la grande Asie de l’Est”, “Huit coins, un toit”, ou de toute autre expression dont la connotation en japonais est inextricablement liée au shintō d’État, au militarisme et à l’ultranationalisme, est interdite et cessera immédiatement. » Le champ couvert par cette disposition était à la fois immense et très vague, le shintō d’État, le militarisme et l’ultranationalisme étant présentés comme autant de réalités superposables. En conséquence, la directive américaine n’étant pas détaillée et pas toujours cohérente, son application fut problématique. En outre, elle ne s’adressait qu’aux textes à venir et ne concernait pas les inscriptions existantes. Si l’on s’en tient à la lettre du texte, les colonnes, les stèles, les plaques et panneaux commémoratifs installés pendant la guerre n’étaient pas visés. Il y avait là un flou que les responsables japonais ont dû interpréter.



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