Les leçons du Japon by Jean-Marie Bouissou

Les leçons du Japon by Jean-Marie Bouissou

Auteur:Jean-Marie Bouissou [Bouissou, Jean-Marie]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Fayard
Publié: 2019-03-15T00:00:00+00:00


Sur le chemin du matsuri

En bons résidents du deuxième chome du quartier Nishi-Waseda, mon épouse et moi prenons part à la fête qu’il partage avec une partie du troisième. Le circuit du matsuri est aussi instructif que le chemin de l’école. Dans un périmètre d’à peine un kilomètre et demi de tour, une dizaine de groupes ont installé l’équivalent des reposoirs qui jalonnaient jadis nos processions religieuses. Ces groupes rassemblent, dans des proportions diverses, les associations de voisinage (p. 85), celles des commerçants, et celles des fidèles des trois sanctuaires shinto du quartier. Sous une tente ou dans une boutique vidée pour l’occasion, chacune de ces petites communautés a érigé un autel shinto, devant lequel trône un groupe de notables chenus, en happi* marqués au blason du groupe. Ils vont passer les deux à trois jours que dure le matsuri à bavarder et à siroter de la bière. Les femmes, peu soucieuses de correction du point de vue du genre, veillent à l’approvisionnement, à la propreté et préparent à manger.

Un grand panneau indique combien chaque famille et chaque boutique du groupe a mis au pot. Cela va de cinq cents à dix mille yens, et le total peut dépasser le million2 dans les communautés les plus prospères. Celles-ci possèdent un grand mikoshi massif, un modèle réduit qui sera porté par les enfants, et un gros tambour taikô monté sur un petit char. Ces trésors, transmis de génération en génération, sont abrités pendant toute l’année dans l’un des sanctuaires locaux. On les en a sortis pour les exposer devant le reposoir et les promener en cortège. Une carte indique les horaires et le trajet de leurs parcours, qui constituent l’essentiel du matsuri.

La fête est fédératrice. N’importe qui peut recevoir un happi si quelqu’un dans le groupe répond de lui, et prendre son tour sous le mikoshi s’il en a le courage. La présence d’étrangers, jadis incongrue, ajoute aujourd’hui au prestige du groupe qui peut en aligner parmi ses porteurs. Mon épouse et moi hissons Wataru dans le char du taikô, sur lequel frappent cinq ou six enfants ; d’autres s’attellent à la longue corde avec laquelle on le tire, avec l’aide des adultes, qui prêtent aussi main-forte aux plus grands pour porter le petit mikoshi.

Le cortège s’ébranle. Il s’agit d’aller rendre visite à cinq des reposoirs du quartier. Pourquoi ceux-là et pas les autres ? Personne ne peut me l’expliquer : « Zutto kôyatte deshita » (« On a toujours fait comme ça »). Entre les plus proches, il n’y a guère plus de trois cents pas. Tireurs et porteurs scandent de vigoureux « Wa-shoi ! Wa-shoi ! », dont l’intensité redouble en manière de défi chaque fois que l’on croise le mikoshi d’un autre groupe engagé sur un circuit différent. Parfois, jadis, on se battait… Ce parcours peut être répété pendant la durée du matsuri. Au dernier jour, il s’achèvera dans l’un des trois sanctuaires du quartier, pour une bénédiction shinto à grand renfort de feuillage, d’épis de riz, de



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